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d’accentuer aussi quelques modelés intérieurs ; à cet égard, on ne saurait rien dire d’avance. La lumière violente du Palais de l’Industrie, notamment dans les grands salons, creuse et dévore si cruellement la peinture, que telle figure y peut sembler vide qui reprendra sa solidité dans un milieu mieux approprié. Les compartimens latéraux, de dimensions moindres, qui complètent le triptyque de M. François Flameng, représentent, l’un, Saint Louis octroyant à Robert de Sorbon la charte de fondation de la Sorbonne ; l’autre, le Prieur Jean Huystin installant la première imprimerie dans les caves de la Sorbonne ; ce dernier surtout, avec les costumes éclatans et bizarres du XVe siècle, est d’un arrangement très pittoresque.

Faut-il attribuer aussi au brutal éclairage du salon d’entrée l’impression de sécheresse que donne, à certaines heures, la toile la plus importante qui s’y trouve exposée, celle que nous considérons comme l’effort le plus honorable et le plus complet fait cette année par un artiste respectueux des traditions françaises pour conserver, sur le terrain historique, vis-à-vis de l’invasion croissante des vulgarités et des niaiseries, les positions acquises depuis deux siècles ? Faut-il voir, au contraire, dans ces hésitations et ces maigreurs de facture assez surprenantes chez le brillant auteur de l’Age de pierre, les marques d’une recherche plus attentive, mais plus laborieuse, à laquelle le temps aurait manqué, comme il manque toujours à la veille de l’exposition, pour se cacher et s’envelopper dans l’éclat hardi d’une illumination triomphale ? Nous serions disposé à le croire. Quoi qu’il en soit, malgré ces timidités d’exécution que nous ne voulons pas cacher, les Vainqueurs de Salamine, par M. Cormon, restent, dans le domaine historique, l’œuvre maîtresse du Salon ; nous y saluons, de tout notre cœur, cette vieille conscience française qui nous valut autrefois notre grandeur et qui, dans les œuvres d’art comme dans les œuvres littéraires, ne se dissimulant aucune des difficultés de la tâche, ne se dérobe non plus, par aucun subterfuge, à aucune d’elles. Certes, il est beaucoup plus difficile d’atteindre le but lorsqu’on veut unir, dans une vaste représentation d’un événement lointain, la vérité des sentimens à la vérité des formes, l’exactitude des détails à l’unité de l’ensemble, la correction du dessin à l’harmonie des couleurs, que si l’on fait d’avance le sacrifice d’une partie de ces obligations et si l’on se contente de développer avec insistance une seule qualité, à l’exclusion de toute autre. C’est le plus sûr moyen sans doute de faire impression sur le public, qui, ne pouvant avoir la tête à tout, prête surtout l’oreille à ceux qui crient fort. Le procédé, dans ces derniers temps, a souvent réussi. Il n’en est pas moins vrai que les artistes supérieurs répugneront