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s’inspirent du vœu que, sur la proposition de M. Edmond Fuchs, professeur à notre École des mines, le congrès pénitentiaire international de Rome a émis, et qui est ainsi conçu : « 1° que l’assistance publique soit réglée de telle manière que chaque personne indigente puisse trouver des moyens de subsistance, mais seulement en récompense d’un travail adapté à ses facultés corporelles ; 2° que l’indigent qui, malgré une assistance ainsi réglée, se livre au vagabondage et tombe par conséquent sous le coup de la loi, soit puni sévèrement par des travaux obligatoires dans des maisons de travail placées sous la direction de l’état. » Ainsi soit-il ! Si, en cette matière, qui touche de si près à la sécurité de la société française, nous pouvions imiter l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne et les États-Unis d’Amérique, nous nous rendrions à nous-mêmes un important service et nous aiderions à ce que l’on nomme prétentieusement « la moralisation des classes pauvres. » Le jour où les vagabonds seraient envoyés dans des colonies agricoles analogues à celles que le gouvernement néerlandais entretient sur la province de Drenthe, aux confins de l’Over-Yssel, leur nombre diminuerait rapidement ; car, malgré leurs instincts de fainéantise, ils préféreront toujours les ennuis du travail libre au supplice du travail forcé.

Les libérés, dont se compose la dernière moitié des pensionnaires de l’asile, n’ont rien qui les distingue des libérés que déjà nous avons étudiés ailleurs. La loi, dont les prescriptions ont pour but de réglementer l’improbité humaine et de l’empêcher de dépasser certaines bornes, sait que la diversité des communions n’exerce aucune influence sur les procèdes des malfaiteurs, sur leur tendance à la récidive, sur les entraînemens auxquels ils ne savent résister. L’autorité jusqu’à l’infaillibilité, le libre examen, le fatalisme, voient les mêmes délits, les mêmes crimes se produire, et ont dû souvent constater avec tristesse qu’il est des âmes sur lesquelles s’émousse toute action régénératrice. Rue Clavel, comme rue de la Cavalerie, les libérés qui ont péché par défaillance d’eux-mêmes, par imprévoyance de jeunesse, par misère, reviendront au bien s’ils trouvent un point d’appui et des encouragemens désintéressés ; les autres, ceux que leur perversité a entraînés, que surexcite la violence de leurs appétits et qui ont pris le goût du méfait, peuvent venir se reposer de la prison sur les lits de la charité protestante ; ils n’y resteront pas longtemps ; le mal les appelle, ils obéiront à sa voix, ils y courront et pour toujours ils se donneront à lui. Maladie chronique avec rémittence, on n’en guérit pas.

L’hospitalité offerte à l’asile de la rue Clavel n’est point limitée ; on est autorisé à la prolonger jusqu’au jour où l’on est pourvu.