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s’explique de lui-même sans qu’il soit besoin de le commenter. On fabrique de treize à quatorze cents paires de chaussures par an ; la principale clientèle est celle des divers orphelinats appartenant à la religion protestante. Les œuvres s’aident entre elles et font acte d’ensemble pour le salut des malheureux de leur communion. Le prix des pensions, les subventions, la vente, permettent d’avoir un budget presque en équilibre ; l’année 1886, qui a dépensé 24,936 fr. 95, a encaissé 24,438 fr. 50, ce qui réduit le déficit à la somme insignifiante de 498 fr. 45. Néanmoins, il est pénible de constater que la bienfaisance, qui obtient un si grand bénéfice moral, est souvent exposée à des pertes matérielles.

L’emploi du temps des apprentis est réglé minutieusement : comme dans les couvens, dans les casernes et dans les lycées, la vie est inflexible ; les jours se suivent et se ressemblent, la même heure ramène le même exercice ; nul imprévu ; l’enfant sait toujours ce qu’il doit faire, et la monotonie même de son existence semble abréger le temps. Pendant la saison d’hiver, on se lève à six heures, on fait les lits et sa toilette ; à six heures et demie, on reçoit le pain du premier déjeuner ; à sept heures, on va en classe, où l’on participe aux leçons de l’enseignement primaire ; à huit heures, on balaie et l’on nettoie la maison ; à huit heures et demie, on assiste au culte et au rapport qui relate les observations faites la veille sur la conduite des élèves ; on mange la soupe, et, à neuf heures, on se rend aux ateliers jusqu’à midi, où le dîner est suivi d’une récréation ; à deux heures, on se remet à la besogne, qui est interrompue pendant dix minutes, à quatre heures, par le goûter et qui reprend jusqu’à sept heures ; un souper et un repos mènent jusqu’à huit heures ; on retourne en classe ; à neuf heures, après la prière dite, on va dormir dans un grand dortoir où couche un surveillant. Pendant la saison d’été, c’est-à-dire du mois d’avril au mois d’octobre, la distribution de la journée est la même, si ce n’est qu’à cinq heures du matin la cloche sonne le réveil. Si, comme on le dit, l’habitude est une seconde nature, l’enfant qui, pendant quatre années consécutives, a été soumis à ce régime, doit avoir contracté l’usage du travail et de la vie régulière.

Pour stimuler quelque émulation chez les apprentis, on leur accorde des récompenses qui sont combinées de telle sorte qu’elles peuvent, plus tard, leur être d’un secours sérieux. Là, comme dans toute maison d’éducation, on distribue des prix et on affiche des noms sur un tableau d’honneur ; on se conforme ainsi aux vieilles méthodes universitaires ; mais on fait mieux, car l’on donne des bons points, et chaque bon point vaut 0 fr. 01 ; il va de soi que le mauvais point annule le bon. J’ai sous les yeux « la statistique