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culte ne présage rien de bon pour la liberté des autres. En tenant compte de la réserve que je viens d’indiquer et en s’appuyant sur des évaluations recueillies auprès des pasteurs, on ne sera pas, je crois, loin de la vérité en disant que le nombre des protestans de Paris s’élève à 100,000, ce qui est peu pour une population de 2,500,000 habitans. Sont-ils tous de la même communion ? Non pas ; ils sont divisés par des nuances qui, au besoin, constitueraient des sectes, si l’apaisement religieux ne s’était fait depuis longtemps, après avoir ensanglanté l’Europe. Le principe du libre examen, — non sum liber ? a dit saint Paul, — autorise bien des dissidences et favorise les fractionnemens. Sous le nom générique de protestans qu’ils ont reçu aux heures des premières luttes, nous comprenons les calvinistes (église réformée), les luthériens (confession d’Augsbourg), et plusieurs autres groupes plus ou moins importans qui se rattachent par un lien quelconque aux dogmes de la réforme[1]. Chez les protestans, la foi a une tendance marquée à s’individualiser, elle veut ne relever que d’elle-même et se soustrait aux règles inflexibles ; mais dès qu’il s’agit de bienfaisance, elle se généralise et s’exerce indifféremment sur tous ceux dont l’acte de naissance date du 20 décembre 1520, de l’heure où Luther, se dressant contre Rome, jeta au bûcher la bulle qui le condamnait.

Les œuvres que le protestantisme entretient à Paris sont nombreuses : il n’est point difficile de constater que plusieurs ne sont que de propagande et visent à provoquer des conversions. Celles-là échappent nécessairement à notre étude et nous n’avons rien à en dire ; mais j’en compte une soixantaine qui sont d’assistance et de charité ; sans pouvoir rivaliser avec les œuvres catholiques, dont l’ampleur est extraordinaire, elles sont adjuvantes, bien dirigées et considérables, eu égard à la quantité restreinte d’individus auxquels elles s’adressent. Elles embrassent toutes les formes de la faiblesse et de la misère ; elles vont de l’enfance à la vieillesse, du criminel à l’impotent, de l’éducation morale à l’enseignement professionnel, et constituent, en quelque sorte, un cercle où toutes les défaillances de la même communion peuvent se réfugier et s’appuyer. On comprendra que je ne puis étudier successivement chacune de ces œuvres en détail ; ce serait une redite perpétuelle dont la monotonie fatiguerait le lecteur. J’en ai choisi quelques-unes dont l’action se manifeste sur l’enfant, sur l’adulte, sur le vieillard, et suit pas à pas la vie humaine dans ses phases principales. Elles s’engrènent pour ainsi dire l’une dans l’autre et font acte de charité en faveur d’êtres

  1. On peut indiquer les églises reformées : luthérienne, indépendante, méthodiste, baptiste, réformée indépendante, réformée libérale, darbyste, méthodiste calviniste, anglaise (anglicane et méthodiste), américaine, allemande (réformée), flamande.