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l’abus du travail intellectuel qui est entré dans nos habitudes, et voici celles qui me paraissent les plus rationnelles.

Il faudrait d’abord fixer, pour chaque classe, un âge au-dessous duquel les enfans ne pourraient pas y être admis, reculer la limite d’âge pour l’obtention des certificats d’étude, des brevets de capacité, des diplômes et surtout pour l’entrée dans les écoles spéciales.

Il faudrait ramener à quatre heures la durée des classes dans les écoles primaires ; y interdire les leçons supplémentaires et les devoirs de maison ; réduire, dans les lycées, la durée totale du travail intellectuel à huit heures par jour pour les internes, et régler sur ce même chiffre la longueur des devoirs que les externes ont à faire chez eux et des leçons qu’ils ont à y apprendre. Il serait indispensable surtout de supprimer les compositions de récitation et d’histoire qui imposent aux élèves un excès de travail inutile, et pendant la préparation desquelles ils n’ont plus un instant de loisir, ni un jour de congé.

Il faudrait consacrer aux promenades, aux exercices, aux récréations, le temps que j’ai indiqué, en proportionnant la nature et la durée de ces exercices à l’âge des enfans et à la saison de l’année, de manière à ne pas les accabler de fatigue, ce qui serait tomber dans un excès opposé à celui qu’il s’agit de combattre.

Enfin, et c’est la mesure à laquelle j’attache le plus d’importance, il serait indispensable, pour contre-balancer l’influence dépressive du travail intellectuel, de rendre les exercices du corps obligatoires, de les faire entrer comme élément dans les examens d’aptitude et dans les concours, en leur donnant des coefficiens assez élevés pour que les jeunes gens qui désirent parvenir aient intérêt à s’y rendre habiles. Lorsque l’escrime, le tir, l’équitation et la gymnastique feront partie des épreuves probatoires et y tiendront une place suffisante, les élèves seront bien forcés, sous peine de courir à un échec certain, de passer dans les gymnases, les salles d’armes et les manèges, le temps nécessaire pour s’y exercer convenablement, et, indépendamment des talens qui leur sont nécessaires, ils y trouveront la vigueur et la santé qui leur manquent aujourd’hui.

Je ne me dissimule pas ce que cette réforme a de radical, et je ne me fais aucune illusion sur l’accueil qui lui sera fait par le personnel enseignant. Je n’ose même pas compter, pour la faire aboutir, sur le concours de l’Université. M. Jules Simon, qui a traité toutes ces questions-là avec une supériorité telle qu’on est tout intimidé d’oser les aborder après lui, VI. Jules Simon disait, en 1874 : « L’Université ne se dérange pas facilement de ses habitudes. « Il m’en avait dit la raison, trois ans auparavant, lorsque nous visitions ensemble