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place dans l’enseignement littéraire, à côté du grec et du latin, qui avaient suffi aux exigences intellectuelles des générations antérieures. Ce fut un nouveau surcroît de connaissances à imposer à la jeunesse. Enfin, la participation des citoyens à la gestion des affaires publiques rendit indispensables certaines notions de droit, d’administration, de jurisprudence, et la somme des connaissances usuelles s’augmenta d’autant.

En résumé, chaque pas fait en avant dans les voies de la civilisation, chaque conquête réalisée dans le domaine intellectuel, se sont traduits par une nouvelle surcharge dans les programmes de l’enseignement. Aujourd’hui, nous sommes arrivés à la limite ; le chargement est devenu trop lourd, et il faut de toute nécessité en jeter une partie à la mer, si on ne veut pas faire couler le navire.

En exagérant outre mesure la culture intellectuelle, on s’est trouvé dans l’obligation de négliger l’éducation physique, d’enlever au corps ce qu’on donnait à l’esprit, et nous sommes tombés dans un excès opposé à celui des anciens. Les qualités extérieures, en perdant de leur utilité, ont en même temps perdu leur prestige. Il y a un demi-siècle, les enfans se livraient encore avec entrain à tous les exercices de corps. Ils étaient fiers de leur force, de leur adresse, de leur agilité. Ils se faisaient une gloire de braver le danger et de mépriser la douleur. Aujourd’hui, ils étalent complaisamment leur débilité, ne dissimulent pas leur crainte de la souffrance et leur amour du bien-être. Ils dédaignent les jeux d’adresse; et, dans les cours des lycées, on les voit se promener gravement en cercle comme des péripatéticiens.

Les qualités physiques ont aussi perdu de leur importance dans les classes laborieuses. La puissance des machines et la perfection de leur jeu ont réduit le rôle de l’homme à une simple surveillance, ou à l’accomplissement mécanique d’une fonction toujours la même, aussi fatigante par la monotonie des attitudes qu’elle exige que par l’inactivité intellectuelle qu’elle entraîne. Les hommes ont même désappris à marcher. Ils ont perdu le goût des longues promenades, depuis que les chemins de fer les transportent d’un point à un autre avec une rapidité vertigineuse. Tout conspire, en un mot, à notre époque, pour paralyser le corps et surexciter l’intelligence. Nous allons voir à quel déplorable système d’éducation ce double courant nous a conduits.


I.

L’extension toujours croissante des programmes d’enseignement, en imposant à l’adolescence un surcroît de travail, entraîne l’obligation de commencer les études de trop bonne heure et de