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Elle n’est plus la femme à la grâce fragile,
Fleur pâle, ouvrage obscur de la terrestre argile,
Qui, sous des cieux changeans par la brume couverts,
Disputait sa fraîcheur à l’affront des hivers,
Et, battue âprement par la pluie et la bise,
Penchait sa tige frêle aux tourmentes soumise.
Vulnérable autrefois et mortelle, sa chair,
Offerte maintenant à la tiédeur de l’air,
S’y peut épanouir à l’aise, enfin rendue
A son moule éternel qui l’avait attendue.
Elle l’a tout à coup, du premier jet, rempli :
Un col fier, un front lisse à tout jamais sans pli,
Que ne courbera plus une vie inquiète.
De l’ancienne exilée ont ennobli la tête,
Et sur sa tempe court, délicat comme un fil.
Le bleuâtre réseau d’un sang vif et subtil.
Le trait de ses sourcils, déjà si pur, décore
La voûte de ses yeux d’un arc plus pur encore ;
L’azur de sa prunelle encor plus ingénu
Qui, sur terre déjà, montrait son âme à nu
A travers l’infini reflété, la dévoile
Plus sereine et plus neuve, inextinguible étoile
Que baigne avec douceur comme un soir qui descend
De ses longs cils soyeux l’ombrage caressant.
Aux senteurs qu’un Avril durable a composées
Palpitent de plaisir ses narines rosées ;
Une lueur d’ivoire avive le carmin
De ses lèvres qu’entr’ouvre un souris plus qu’humain.
Sa chevelure, au bord de l’oreille mignonne.
Comme un sable d’or fin qui ruisselle et rayonne,
Ondule étincelante, et jusques à ses pieds
Retombe, somptueuse, à flots multipliés,
Et sur ce rideau blond qui l’embaume et le flatte,
Son corps renouvelé, frais et splendide, éclate !

A sa voix, dont l’appel tinte mélodieux,
Faustus tourne vers elle à demi clos ses yeux.

Tel Adam se réveille étonné devant Eve,
Devant cette beauté que le bonheur achève
Il se dresse ébloui. L’idéal imprévu
Prend, comme son regard, son âme au dépourvu ;
Muet, dans sa stupeur peu s’en faut qu’il ne tremble,
Il blêmit, sa surprise à la frayeur ressemble.