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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

par beaucoup de vicissitudes : licenciés en 1762, reconstitués au nombre de onze régimens en 1765, portés à douze en 1773, supprimés par Saint-Germain en 1775, rétablis au nombre de huit en 1778, ils sont l’objet, en 1779, d’une dernière formation à treize régimens de deux bataillons, qui dure, celle-là, jusqu’à la fin de l’ancien régime. Mais au milieu de ces changemens et dans l’état pacifique de l’Europe, il était fatal qu’une institution créée tout en vue de la guerre s’affaiblît. En 1789, l’organisation régimentaire des grenadiers royaux subsistait toujours sur le papier ; elle avait cessé depuis plusieurs années d’être effective[1]. Les corps n’étaient plus assemblés; on se bornait à réunir tous les ans les compagnies sans les grouper. L’état-major, il est vrai, n’avait pas cessé d’être au complet, et cela seul eût permis de reformer très vite les régimens en cas de guerre.

Les quatorze régimens provinciaux comptaient : sept régimens d’artillerie, cinq régimens dits d’état-major[2], le régiment de la ville de Paris et le régiment de l’île de Corse. Ils étaient formés comme les autres à deux bataillons, et gardaient par exception leurs compagnies de grenadiers royaux. Les premiers portaient le nom des régimens d’artillerie avec lesquels ils étaient destinés à marcher en temps de guerre : La Fère, Grenoble, Metz, Strasbourg, Besançon, Auxonne et Toul. On désignait les seconds par de simples numéros : 1er, 2e, 3e, 4e et 5e régimens d’état-major.

Le régiment de la ville de Paris ne différait des précédens Qu’en ce qu’il se recrutait par voie d’enrôlemens volontaires. Il restait généralement assemblé, faisant un service de police municipal. Quant au régiment provincial de Corse, il constituait pour cette province une sorte de gendarmerie, chargée spécialement de faire exécuter les jugemens rendus par les juntes nationales et demeurait aussi presque toujours assemblé, l’un de ses bataillons à Bastia, l’autre à Ajaccio.

Les soixante-dix-huit bataillons de garnison étaient attachés aux soixante-dix-huit bataillons d’infanterie de ligne et en portaient les noms. Ç’avait été une heureuse idée du prince de Montbarey que ce rattachement des troupes provinciales aux troupes réglées[3].

  1. « Depuis la fin de la guerre de sept ans, dit M. Gebelin, les régimens de grenadiers royaux ne furent assemblés qu’une fois, en 1771, pendant vingt et un jours. » C’est, je crois, une erreur. Les rassemblemens ne cessèrent que beaucoup plus tard, et l’on en trouve, de partiels il est vrai, en 1779, 1781, 1782 et jusqu’en 1784.
  2. On ne s’explique pas très bien cette dénomination : les régimens d’état-major étant destinés à exécuter en campagne, sous la direction du génie, les travaux comportant la marche et le campement des troupes, il semble qu’il eût été plus logique de les appeler : régimens du génie.
  3. Ordonnance du 7 mai 1778.