Deux essais de tragédie moderne, à quelques jours d’intervalle, ont
paru sur la scène: Renée, de M. Émile Zola, au Vaudeville, et Mademoiselle de Bressier, de M. Albert Delpit, à l’Ambigu. L’auteur de
l’Assommoir, dans l’imagination des hommes, n’est pas précisément
un jeune frère de Corneille et de Racine ; on sait assez, d’autre part,
que l’auteur des Dieux qu’on brise n’arrive pas de Medan. Du premier,
cependant, une telle entreprise n’étonnera que ceux qui ne connaissent pas toute sa doctrine ; quant au second, si l’on connaît son naturel, on ne sera pas surpris de le trouver sur ce terrain, même aux
côtés du premier. On peut augurer, d’ailleurs, qu’il y a entre les
deux ouvrages de singulières différences ; et d’abord on peut gager
que les héros de M. Zola ont plus de vices, les héros de M. Delpit plus
de vertus. Mais quoi ! Chimène et le Cid nous donnent de meilleurs
exemples que Phèdre : et Phèdre et le Cid sont pourtant deux tragédies.
La tragédie ! À maintes reprises, dans ses campagnes de critique, M. Zola s’est tourné vers elle et a invoqué son souvenir. Il a constaté que le drame, après un demi-siècle à peine, était caduc : le public, les auteurs mêmes, reconnaissaient la vanité de ce genre, où la peinture des passions et des caractères est sacrifiée à l’action ; et, devant cette décrépitude précoce, on éprouvait un malaise, on s’inquiétait