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UN
PAMPHLET ANGLAIS
CONTRE
LES PREJUGES ANGLAIS

Quiconque a couru le monde, quiconque a comme Ulysse visité les cités étrangères et connu leurs mœurs et leurs pensées, a pu se convaincre que des Chinois et des Arabes jusqu’aux Monténégrins, aux Serbes, aux Bulgares, il n’est pas un seul peuple, grand ou petit, qui ne soit disposé à se regarder comme le premier peuple de l’univers. Il n’y a pas grand mal à cela; il ne suffit pas d’aimer son pays, il est bon d’en être amoureux, et l’amour n’est jamais exempt de chimères et d’illusions; c’est le royaume des aveugles. Mais les vanités nationales n’ont pas toutes le même caractère ; il en est d’ingénues, qui désarment la critique par leur candeur; d’autres sont dures, agressives, irritantes. La nôtre a paru plus d’une fois insupportable, et, dans le temps de nos prospérités et de nos grandeurs, elle nous a fait bien des ennemis; nous y mêlions pourtant beaucoup de bonnes intentions; nous nous croyions chargés de faire le bonheur de tous les peuples, et comme nous étions fort contens de nous-mêmes, il nous semblait tout naturel qu’ils le fussent aussi. L’orgueil moscovite est sans borne; on s’y perd comme dans l’immensité d’une steppe; mais le slavophile en voyage s’entend à tout sauver par les complaisances de son esprit et les grâces de son ironie. L’orgueil britannique, trop souvent, s’épargne la peine de rien sauver et de dissimuler ses mépris pour tout ce qui n’est pas anglais ; il n’accepte aucun compromis, il