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c’était l’équivalent de ce renfort qu’il s’était fait renvoyer d’Oran et qu’il allait recevoir à Cherchel.

Le 8, dans l’après-midi, le corps expéditionnaire n’en était plus qu’à trois lieues-, il venait d’entrer sur le territoire de la belliqueuse tribu des Beni-Menacer. La route, belle et large, était dominée, sur la rive gauche de l’Oued-Hachem, par une suite de hauteurs peu élevées, mais très abruptes ; afin de protéger le passage de la colonne, le colonel Changarnier reçut du général Duvivier l’ordre de les faire occuper par trois compagnies de son régiment. Le détachement parti, le colonel, qui le jugeait un peu faible, voulut le rejoindre et le commander lui-même. Quand il fut au sommet de l’escarpement, il aperçut à quelque distance une grande masse de Kabyles, dix fois supérieurs en nombre, qui se disposait pour l’attaque. Une sorte d’isthme séparait les deux troupes. Couchés derrière un pli de terrain, les hommes du 2e léger attendaient ; seuls, le colonel Changarnier et le commandant Levaillant, à cheval, apparaissaient au-dessus des broussailles ; derrière eux, les clairons étaient prêts à sonner la charge. Au moment où les Kabyles, resserrés par l’étranglement du terrain, abordaient l’isthme sur un front plus étroit, au signe du colonel, la sonnerie éclata, les trois compagnies se dressèrent et d’un feu à bout portant foudroyèrent les rangs pressés de la colonne ennemie ; puis, sans lui donner le temps de se reconnaître, elles se jetèrent, tête baissée, baïonnette en avant, sur la masse ahurie, qui s’enfuit à la hâte et se dispersa dans le dernier désordre. « Cette attaque, a dit Changarnier, fut irrésistible parce qu’elle était imprévue; elle eût été moins impétueuse et moins franche si nos soldats n’eussent été placés de manière à ne pas voir, avant le choc, les masses contre lesquelles ils allaient se heurter. Ils furent étonnés de leur victoire en voyant les Beni-Menacer, éparpillés par la fuite, couvrir au loin le plateau. » Dans cette lutte corps à corps, les trois compagnies eurent douze tués, dont un officier, et huit blessés. Quelques heures après, le 17e léger eut avec d’autres bandes kabyles une affaire d’arrière-garde.

A Cherchel étaient arrivés d’Oran trois bataillons détachés du 15e léger, du 1er et du 41e de ligne, et d’Alger un gros approvisionnement de munitions et de vivres. Le 10, le corps expéditionnaire, grossi du renfort, mais alourdi par le convoi, reprit le chemin de la Métidja. Tant qu’on fut en pays de montagne, la fusillade ne cessa pas à l’arrière-garde et sur les flancs ; le lendemain, journée plus calme, ramena de bonne heure la colonne à la redoute de Haouch-Mouzaïâ, son point de départ. Le bivouac établi, le duc d’Orléans convoqua dans sa tente les deux généraux de brigade avec tous les chefs de corps de la première division et leur annonça pour le lendemain, 12 mai, l’attaque du col de Mouzaïa,. Il ajouta que toutes