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550 bœufs et 22,700 moutons; les Arabes auxiliaires s’étaient honnêtement attribué, pendant la marche, les 56,000 bêtes qui manquaient. L’effet de cette grande razzia fut de rendre les Harakta plus humbles et de rétablir la tranquillité dans toute la partie orientale de la province.

A l’ouest, l’occupation définitive de Sétif, après l’expédition des Biban, paraissait avoir eu un résultat pareil. Dans la Medjana néanmoins, Abd-el-Salem et Ben-Omar, lieutenans d’Abd-el-Kader, disputaient encore au khalifa Mokrani la possession de la plaine. Afin de relever et de soutenir l’influence du grand chef allié des Français, le général Galbois prescrivit l’établissement d’une redoute sur la position d’Aïn-Turco. Le 3 mai, un bataillon du 62e y fut conduit par le commandant de La Cipière. A peine les travaux de terrassement étaient-ils ébauchés que, dès le 4, Ben-Omar vint à l’attaque avec un bataillon de réguliers et de nombreuses bandes de Kabyles. Pendant cinq jours, tout autant qu’à Mazagran, le commandant de La Cipière sut se maintenir dans un poste absolument ouvert. Ravitaillée de vivres et de munitions par le colonel Lafontaine, commandant de Sétif, qui lui laissa un canon et quelques fusils de rempart, la petite garnison d’Aïn-Turco se vit, après son départ, investie et attaquée derechef, jusqu’à ce que le camp d’Abd-el-Salem eût été emporté par le général Galbois et ce qui restait des bandes de Ben-Omar mis en déroute par les Arabes de Mokrani. Pour perpétuer le souvenir de la belle défense d’Aïn-Turco, le général décida que l’ouvrage construit sur la position porterait le nom de Redoute du 62e. En France, il en fut d’Aïn-Turco comme de Djémila : on n’y sut rien d’un des plus beaux faits de guerre qui aient été accomplis en Afrique. Il convient cependant d’ajouter, à titre de circonstance atténuante, qu’en ce mois de mai tout ce que le public avait d’attention était absorbé par les événemens militaires de la province d’Alger.


IV.

Au mois de février 1840, le maréchal Valée avait reçu la plus grande partie des renforts réclamés et promis. Sans parler des nombreux détachemens envoyés par les dépôts des corps qui servaient en Afrique, le ministre de la guerre avait fait partir de France deux nouveaux régimens d’infanterie, le 3e léger et le 58e de ligne, un bataillon de tirailleurs, armé d’une carabine à longue portée, créé l’année précédente à Vincennes et type des futurs chasseurs à pied, douze escadrons de chasseurs à cheval et de hussards formant deux régimens de marche, trois batteries de campagne, trois compagnies de sapeurs, un escadron du train des équipages et quinze