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cette longue ligne de bataille. Pendant le déploiement de l’ennemi, lentement fait, le colonel Changarnier donnait pour instructions, aux officiers, de ne pas laisser tirer un coup de fusil, aux soldats de marcher résolument, la baïonnette au canon, mais, jusqu’à nouvel ordre, l’arme sur l’épaule droite, au tambour-major, de ne le pas perdre de vae et de se tenir prêt, au signal de son épée, à faire battre la charge. En ce moment, le maréchal arriva, non plus triste et morne comme la veille, mais rayonnant de joie et de bon espoir.

L’épée tendue, Changarnier commençait à lui indiquer les dispositions faites, quand, le tambour-major prenant pour le signal convenu le geste de son colonel, tout à coup la charge battit. Tandis que le 2e léger, d’un pas allègre, franchissait le ravin, le maréchal donnait ses ordres au 23e de suivre le mouvement, aux chasseurs d’Afrique de se porter en avant et de se rabattre sur le flanc droit de l’ennemi, au 17e léger et à l’artillerie de faire un feu nourri sur la cavalerie arabe. Quand le 2e léger, le ravin franchi, parut au sommet de la berge, une salve l’accueillit, une seule ; ceux qui venaient de la fournir n’eurent pas le temps d’en préparer une seconde. Abordée, percée, rompue en tronçons épars, l’infanterie si laborieusement alignée par Sidi-Mbarek fuyait vers la Chiffa, Kabyles et askers confondus, rejetés de la baïonnette sur le sabre et du sabre sur la baïonnette. Côte à côte avec le colonel de Bourjoly, le maréchal Valée menait la charge des chasseurs d’Afrique; mais tel était l’élan du 2e léger qu’après 3 kilomètres parcourus tout d’une haleine, quand il fit halte aux broussailles de la Chiffa, les chasseurs n’avaient pas sur lui d’avance. Il avait laissé au 23e de ligne, qui venait après lui, le soin de glaner sur le champ de bataille les prisonniers qu’il n’avait pas le temps de faire. « Jamais, dans toutes mes campagnes, disait le maréchal, jamais je n’ai vu un aussi beau mouvement d’infanterie. » Le succès était complet ; sur le terrain jonché de morts et de blessés, l’ennemi avait abandonné une pièce de canon, trois drapeaux, des caisses de tambour, des fusils par centaines. Du côté du vainqueur, la perte était de quatre-vingt-douze blessés et de treize morts. Le combat d’Oued-el-Alleg acheva pour la fortune de Changarnier ce qu’avait ébauché la retraite de Constantine. Déjà bien vu du maréchal Valée depuis l’expédition des Biban, la confiance du gouverneur lui fut de ce jour-là tout à fait acquise.

Le 1er janvier 1840, le général de Rostolan amena de Boufarik à BUda le convoi de ravitaillement, et, le 4, la division reprit, en passant par Koléa, le chemin d’Alger. Boufarik était occupé par le 23e de ligne et le 2e bataillon d’Afrique. La garde de Blida était confiée au 24e de ligne et celle du camp supérieur au 2e léger, qui fut rallié par son troisième bataillon.