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permettra, et il reviendra ensuite en donnant à leur retraite l’apparence d’un revers. L’habileté, en Afrique, consiste à attirer les Arabes au combat. Pour atteindre ce but, il faut se tenir habituellement sur la défensive, s’emparer à l’improviste des portions du territoire qu’on veut occuper et y former des établissemens permanens qui excitent la susceptibilité nationale des Arabes. Ces établissemens ne tarderont pas à être attaqués. Le succès du combat sur une position choisie à l’avance sera certain, et la terreur qui suivra une défaite amènera la soumission des tribus voisines. »

Cependant, le 20 novembre 1839, quand la Métidja fut inondée par la cavalerie d’Abd-el-Kader, une colonne mobile aurait apparemment mieux servi que tous les camps retranchés du maréchal, qui ne servirent de rien. Sans vouloir avouer que sa théorie avait tort, il ne laissa pas, dans la pratique, de faire comme s’il le reconnaissait ; car il se hâta de se créer une colonne mobile en faisant évacuer la moitié de ses postes retranchés. Ainsi furent abandonnés, du 27 novembre au 7 décembre, le camp inférieur de Blida, les camps d’Oued-el-AlIeg et de l’Harrach, en même temps qu’une douzaine de redoutes et de blockhaus. L’évacuation fut si vite menée qu’on fut réduit à livrer aux flammes, faute de temps et de moyens de transport, le foin en meules d’Oued-el-Alleg ; il y en avait pour une somme importante. Des garnisons retirées le général Rullière composa une colonne de 2,500 hommes destinée surtout à la protection du Sahel, où la terreur était grande. « C’est, lui écrivait le gouverneur, la défense du Sahel qui doit vivement nous préoccuper, et dans toutes les opérations que vous croirez utile d’entreprendre, c’est toujours le Sahel dont il ne faut pas permettre l’entrée à l’ennemi. C’est à cet effet qu’un corps mobile est formé, et si, en le portant en avant ou à droite, vous vous apercevez qu’un corps ennemi manœuvre vers le Sahel, c’est ce corps qu’il faut suivre, attaquer et détruire, s’il est possible. » Dans Alger même, la population était assez inquiète pour que l’ordre fût donné d’armer les batteries de l’enceinte et d’exercer sur l’entrée et la sortie des indigènes la plus active surveillance; peu s’en fallut même que la ville ne fût mise en état de siège.

Tout en prenant un pou tard ces mesures de protection et de défense, le maréchal Valée réclamait du gouvernement un renfort considérable et immédiat. Les états de situation ne donnaient pour toute l’armée d’Afrique, au 1er décembre, qu’un total de 39,624 hommes présens sous les armes. « l’ennemi, disait le gouverneur dans une dépêche du 28 novembre, l’ennemi nous appelle à la guerre. Il ne veut même plus nous laisser l’étroit espace dans lequel nous étions resserrés. La France doit lui faire une éclatante réponse; notre armée doit le refouler à son tour et assurer par un vaste établissement