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REVUE. — CHRONIQUE.

tion qui ont manqué, on en compte près de cent qui traînent dans l’histoire comme des armes rouillées. M. Gladstone peut avoir ses illusions, la politique de répression a aussi les siennes, puisque, après cent ans d’union forcée, l’Irlande est plus que jamais irréconciliable.

La fortune ministérielle est changeante un peu partout, en Italie comme dans bien d’autres pays.Depuis que le ministère Depretis-Robilant, qui existait encore il y a deux mois, qui se croyait en pleine sûreté, a cru devoir se retirer devant un vote parlementaire au moins douteux, à la suite des événemens de Massaoua, la crise, à vrai dire, n’a pas cessé à Rome, ou, si elle a paru cesser un instant, elle n’a pas tardé à se rouvrir. Elle a eu deux phases ou deux étapes. Un mois durant, après la première démission du cabinet du roi Humbert, on s’est épuisé en négociations et en combinaisons de toute sorte, allant chercher tantôt à droite, tantôt à gauche, les élémens d’un nouveau gouvernement. Les tentatives, les entrevues, les conférences se sont succédé ; elles n’ont conduit à rien, si bien qu’après tant d’efforts inutiles, après un interrègne ministériel de quelques semaines, on en revenait tout simplement à remettre sur pied l’ancien cabinet, où restait plus que jamais, avec M. Depretis, M. de Robilant, qui paraissait être pour le moment le personnage essentiel, qui était, disait-on, fort occupé à renouveler l’alliance de l’Italie avec l’Allemagne et l’Autriche. La grande œuvre diplomatique dominait tout ! C’est la première phase. Malheureusement on n’était pas au bout, ce n’était pas encore la solution. À peine le ministère reconstitué s’est-il retrouvé devant le parlement, dès la première rencontre, il a été encore moins heureux qu’il ne l’avait été quelques semaines auparavant : il n’a eu qu’une majorité des plus médiocres, plus petite que la majorité dont il ne s’était pas contenté il y a deux mois. Il avait visiblement contre lui et la partie de la droite avec laquelle il n’avait pas pu s’entendre dans les négociations de l’interrègne, et la gauche, qui se sentait déçue dans ses ambitions de pouvoir. Il a vu le danger qui l’attendait à la première occasion ; il a commencé par suspendre le parlement pour quelques jours, et aussitôt la crise s’est trouvée rouverte. Elle a recommencé pour entrer cette fois dans une phase toute nouvelle, et c’est ici que se produit une évolution assez curieuse, où l’ancien et nouveau président du conseil, M. Depretis, qui en réalité n’a pas cessé de tenir dans ses mains tous les fils de l’imbroglio, joue un rôle pour le moins singulier.

Que s’est-il passé réellement ? La dernière reconstitution ministérielle n’était-elle qu’un expédient de circonstance ? A-t-on voulu simplement laisser à M. de Robilant, qu’on a cru un moment l’homme nécessaire, l’homme agréable à Vienne et à Berlin, le temps de mener jusqu’au bout la grande affaire, le renouvellement de l’alliance de