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LES
IDÉES POLITIQUES
DE HERDER

I. R. Haym, Herder nach seinem Leben und seinen Werken. Berlin; Gärtner. — II. Herder’s sämmtliche Werke, édités par Bernhard Suphan. Berlin; Weidmann. — III. Ch. Joret, Herder et la Renaissance littéraire en Allemagne. Paris, 1875.

Un savant contemporain a dit fort ingénieusement que la première condition de la mémoire, c’est l’oubli. S’il nous fallait conserver le souvenir de toutes les impressions, de tous les sentimens, de toutes les idées qui traversent notre esprit, il succomberait sous le poids, et dans cette masse énorme et confuse rien ne se distinguerait. Nous ne comprenons notre vie passée qu’en la voyant dans un prodigieux raccourci. L’histoire est soumise à une loi semblable. Comme la mémoire, elle évoque le passé, mais avec la même illusion d’optique mentale. Elle ne redonne pas non plus la sensation présente du temps qui s’est écoulé et de tout ce qui l’a rempli. A mesure que les faits s’éloignent dans le passé, ils se pressent, ils se resserrent, et du même coup la logique intime qui les relie apparaît. Les plus saillans dominent les autres, et le sens du tableau, qui presque toujours échappe aux contemporains, se dégage comme de lui-même. Cette perspective de l’histoire est surtout nécessaire pour les périodes de transition, où des courans divers s’entremêlent; où, sans être ouverte encore, la lutte se prépare entre les traditions et les idées nouvelles ; où enfin les tendances les plus opposées s’ignorent et semblent s’unir en attendant