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Laurent Ganganelli. Dans notre siècle, le conclave de Pie VIII a duré trente-deux jours, celui de Grégoire XVI dura plus de sept semaines. Pour hâter le dénoûment, on fît sauter une bombe sous les fenêtres du Quirinal : « Les uns, écrivait Dardano, crurent à au coup de canon, d’autres à l’explosion d’une mine. L’appréhension fut presque générale, et quelques-uns payèrent un tribut au ventre. »

L’élection de Léon XIII se fit en trente-six heures. La chapelle Sixtine avait été convertie en salle de scrutin. Soixante sièges alignés le long des murs étaient couverts de drap rouge; quatre autres, tendus de drap vert, étaient destinés aux vétérans du sacré-collège, aux prélats élevés à la pourpre par Grégoire XVI. Chaque cardinal avait devant lui une table portant du papier, un encrier, des plumes, des crayons, de la cire à cacheter. Sur une autre table beaucoup plus grande se dressaient deux vases de métal doré; l’un, qui avait la forme d’un calice fermé par une patène, servait à recueillir les votes; le second était une sorte de ciboire où on les comptait. A l’entrée de la salle était une cheminée de fer, dans laquelle les bulletins devaient être brûlés et dont le tuyau avait été prolongé pour que la fumée fût visible de loin.

Le 19 février, un premier scrutin fut ouvert après onze heures et fermé à midi. Le résultat fut déclaré nul: la plupart des cardinaux, n’ayant jamais assiste à un conclave, ne s’étaient pas conformés aux règles. Il y eut un second tour dans l’après-midi, un troisième le lendemain matin. Après avoir obtenu dix-neuf voix, puis vingt-neuf, Joachim Pecci venait d’en réunir quarante-quatre, et tous les cardinaux abaissaient leur siège devant le sien pour témoigner que leur souveraineté d’un jour avait cessé. Le sous-doyen lui demande s’il accepte la papauté ; il répond : — « Puisque Dieu le veut, je ne contredis pas. — Quel nom avez-vous l’intention de prendre? — Celui de Léon XIII, à cause de la déférence et de la gratitude que j’eus toujours pour Léon XII. » On appelle ses conclavistes, qui poussent des cris de joie. L’acte est dressé et signé. Le nouveau pape revêt les habits pontificaux. Sa soutane blanche est serrée à la taille par une écharpe que terminent deux glands d’or; son aumusse est garnie d’hermine. On lui chausse les pantoufles écarlates décorées d’une croix. Bientôt le doyen de l’ordre des diacres, accompagné des maîtres des cérémonies, se dirige vers la loge du milieu pour proclamer le nouveau pontife. Il y avait peu de monde sur la place; la foule, ayant vu de la fumée, en avait conclu que l’élection n’était pas faite, et, déçue dans son espoir, elle s’était lentement écoulée. M. de Cesare nous apprend à ce propos que c’est une erreur de croire qu’après l’élection on ne fait pas de fumée : « On brûle, nous dit-il, les billets du dernier scrutin comme les autres, pour conserver autant que possible le secret des suffrages et pour prévenir ainsi les rancunes que pourrait avoir le