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à la pensée des Anglais enfermant Pondichéry : « Il est en proie à une espèce de chagrin et de désespoir qui l’a mis hors de lui-même. Dans l’excès de son désespoir, on l’entend crier comme un forcené : « C’en est donc fait, Pondichéry n’est plus, nous allons devenir la proie des Anglais ! « Il pousse des hurlemens.

Le père Lavaur parle-t-il de l’ouragan qui dispersa la flotte anglaise, inonda les terres quelques jours avant la reddition de Pondichéry, tout d’abord il s’écrie avec emphase : « Que l’on eût seulement fait sortir quatre cents hommes, c’en était fait des Anglais. Tout, jusqu’à dix heures, fut en confusion dans leur camp. On demandait de tous côtés à sortir sur l’ennemi. Il ne dépendait que de nous de faire toute l’armée anglaise prisonnière et de reprendre tout le pays perdu. M. de Lally jugea autrement, et tout Pondichéry vit enfin clairement qu’on était livré. » Mais, plus loin, à propos de l’ordre donné deux ou trois jours après la tempête pour briser les fusils, jeter les canons à la mer, noyer les poudres, il tient un autre langage et montre ces mêmes soldats, qu’il aurait voulu voir jeter sur le camp anglais, « épuisés de force, exténués par la faim qui les dévore, enflés par tout le corps, ayant peine à se soutenir, d’une faiblesse qui les met hors d’état de défendre même la place, sans artillerie, car les canonniers sont réduits à l’impossibilité de servir leurs pièces, par l’état de faiblesse où ils sont tombés par faute de nourriture. »

Il affirme la trahison de Lally. Il affirme qu’il avait donné parole au général Coote de lui livrer Pondichéry. Mais, par malheur, voulant trop prouver, il s’embrouille. Ainsi, au début du résumé qu’il trace des pseudo-pourparlers de Lally avec Coote, il donne la date du 15 octobre comme fixée pour la livraison de la place. Plus loin, — il a oublié, — il dit que le 22 octobre était le jour arrêté. Enfin la date change encore : « La perte de Pondichéry avait été fixée pour le 22 décembre. »

Si les contradictions sont nombreuses, les mensonges et les absurdités fourmillent. Au moment du siège du fort Saint-David, Lally, selon l’autorité du père Lavaur, assemble les officiers d’artillerie et leur tient ce discours : « Je suis impatient, messieurs, de la lenteur avec laquelle on me sert à Pondichéry. Je ne veux plus attendre l’arrivée des munitions ; elles viendront au fur et à mesure, fallût-il pour cela arrêter Leyrit et ses conseillers. Je suis pressé de terminer cette entreprise. Je ne veux pas rester éternellement devant cette place. Je suis donc déterminé à attaquer, de vive force, à l’entrée de la nuit, tous les postes extérieurs qui sont dans la partie du nord… D’ailleurs, que savons-nous ? Cela nous mènera peut-être plus loin que nous ne pensons. Je suis heureux. Le dieu du hasard ! » En vérité, est-il admissible que Lally eût réuni des officiers d’artillerie pour