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eurent, selon la proposition du maréchal, un ou deux escadrons indigènes à la suite des escadrons français, indépendamment des spahis réguliers d’Oran et de Bône, qui furent maintenus en corps distincts; ceux d’Alger seuls furent supprimés.

Au mois de septembre 1839, l’effectif général des troupes en Algérie était de 8,000 hommes ; mais entre ce chiffre et celui des soldats disponibles prêts à marcher et à combattre, il y avait une différence énorme. Dans les camps systématiquement établis et multipliés par le maréchal, les fièvres paludéennes et la dysenterie faisaient de grands ravages. Sans parler des postes moins considérables et des simples blockhaus, la seule province d’Alger n’avait pas moins de seize camps : autour de la capitale, Koubba, Birkhadem, Tixeraïn, Dely-Ibrahim ; à l’est, la Maison-Carrée, Kara-Moustafa, le Fondouk; au sud, l’Arba, l’Harrach, Boufarik; à l’ouest, les deux camps de Blida, supérieur et inférieur, l’Oued-el-Alleg, Koléa, Maelma, Douera : seize camps, autant dire seize prisons où l’inaction et l’ennui livraient aux sourdes influences d’un sol mal assaini des malingres hors de résistance ; et pourquoi faire? « Nous ne devons pas, écrivait au maréchal Valée le ministre de la guerre, le 31 juillet 1839, nous ne devons pas condamner nos soldats à se fondre annuellement dans des lieux infects pour donner une protection insuffisante à quelques pauvres colons que d’avides spéculateurs s’obstinent à lancer dans la plaine de la Métidja, aussitôt que s’efface le souvenir de leurs premières victimes. »

En effet, où en était, après neuf années, la prétendue colonisation? Il y avait, dans toute l’Algérie, 11,000 Français et 14,000 étrangers de toute origine. Espagnols, Maltais, Italiens, avec quelques Allemands et quelques Suisses ; étrangers et Français venus pour la plupart sans ressources et réduits, pour vivre, à demander du travail aux ingénieurs de l’état. C’était tout au plus si, pour dix artisans ou hommes de peine, on trouvait un cultivateur. Le gouvernement avait, dans la plaine, sept établissemens agricoles, qui occupaient deux cent trente familles; assez étendues dans le Sahel, les entreprises particulières ne se hasardaient pas volontiers encore dans la Métidja; cependant les outhanes de Beni-Khelil et de Beni-Mouça comptaient quelques haouchis exploités par des Français ; dans Khachna, on ne voyait guère que des baraques, occupées seulement pendant la saison des foins.

C’était la principale affaire du gouvernement sans doute d’assurer à la population non armée sa protection tutélaire; mais il ne devait pas oublier qu’il y avait aussi de grands intérêts moraux dont il ne lui était pas permis de se désintéresser à son égard ; telle était, au premier rang, l’obligation de pourvoir à ses besoins religieux. « Dieu, disait Abd-el-Kader, récompense la foi, même