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dans la plaine, avec le cheik Amziane, frère de cet Oulidou-Rebah qui avait été si perfide aux Français. Il s’y était rendu avec le sous-intendant militaire, le caïd de la ville et l’interprète, laissant en arrière, à quelque distance, la compagnie franche du capitaine Blangini. Insensiblement, les cavaliers du cheik enveloppèrent le petit groupe, puis tout d’un coup ils firent feu ; le commandant et l’interprète furent tués raides; le caïd, grièvement blessé, le sous-intendant, jeté à terre, accablé de coups de crosse, furent sauvés à grand’peine par la compagnie franche. On peut juger de ce que furent désormais les rapports des successeurs de Salomon de Musis avec Amziane. Au mois d’avril 1839, c’était le lieutenant-colonel Bedeau, de la légion étrangère, qui commandait à Bougie.

Dans la série des mouvemens combinés pour l’affaire de Djidjeli, ce fut lui qui entra le premier en scène. A la tête d’une colonne de six cents hommes, il occupa, pendant la nuit du 11 au 12 mai, le col de Tizi, fit quelques démonstrations aux alentours, eut un assez vif engagement avec Amziane et ne se replia sur Bougie, le 17, qu’après avoir appris l’heureux succès de l’opération principale. La diversion de Philippeville, moins importante, ne dépassa pas la journée du 13. Ce fut dans la matinée de ce jour-là que les bateaux à vapeur Styx et Cerbère, venant de Bône, débarquèrent sur la plage de Djidjeli le commandant de Salles, un bataillon polonais de la légion étrangère, fort de sept cents hommes environ, un détachement de sapeurs, deux pièces de 12, deux obusiers de montagne. Le chef de bataillon Horain, Polonais de naissance, commandait l’infanterie ; l’artillerie était sous les ordres du capitaine Lebœuf. La ville fut occupée sans résistance ; mais, le lendemain et les jours suivans, les Kabyles vinrent à l’attaque. Dans le combat du 17, qui fut le dernier, le commandant Horain reçut une blessure mortelle ; sa perte excita les plus vifs regrets non-seulement dans la légion, mais dans toute l’armée d’Afrique, où il était justement estimé. Djidjeli, fortifié comme Bougie, pourvu, comme Bougie, d’ouvrages avancés, était condamné au même sort que Bougie, au blocus, à la guerre intermittente ; c’était, jusqu’au jour où la Kabylie pourrait être soumise, une conquête illusoire.

Pendant ce temps, le général Galbois, qui aurait dû concourir à l’opération en partant de Mila, n’avait pas jugé prudent de s’engager dans le massif inexploré des Babor; au lieu de tenter l’inconnu, il s’était porté sur Djémila, qu’il mit en état de défense. Enhardis par le voisinage de la colonne française, le khalifa El-Mokrani et le cheik des Riga allèrent attaquer dans la Medjana le lieutenant d’Abd-el-Kader, Abd-el-Salem, et le battirent; sa musique