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le prier de rester à son poste; devant tant d’insistance, le maréchal y consentit, et, comme d’habitude, ce fut à la province de Constantine qu’il songea pour inaugurer en quelque sorte le renouvellement de ses pouvoirs.


VI.

Depuis l’expédition du général Galbois à Sétif, quelques mouvemens de troupes avaient été faits : sur le territoire des Hanencha. pour soutenir le caïd Resghi contre son éternel rival El-Hasnaoui, ancien allié des Français, devenu leur adversaire ; dans les environs de La Galle, pour empêcher les Tunisiens de mettre à contribution les douars soumis à la France ; enfin, chez les Ouled-bou-Aziz, pour punir le meurtre commis sur le cheik Bou-Akal, à l’instigation de l’ancien bey Ahmed. Dans ce dernier cas, les troupes françaises, sous les ordres du lieutenant-colonel de Bourgon, ne firent qu’appuyer en spectateurs l’action des cavaliers Harakta que conduisait le caïd Ali. Vers la fin du mois d’avril arriva d’Alger à Constantine le commandant de Salles, avec le titre de chef d’état-major de la division ; en fait, cet officier supérieur, aide-de-camp et gendre du maréchal Valée, n’était que détaché temporairement du quartier-général pour une opération spéciale, l’occupation de Djidjeli, Quatre mois auparavant, le 1er janvier 1839, aux environs de ce petit port, un navire de commerce français, le brick Indépendant, avait été pillé, après échouage, par les Kabyles, qui avaient emmené dans la montagne et mis à rançon les marins du bord. C’était pour obtenir satisfaction et prévenir le renouvellement d’un acte qui rappelait les pires habitudes des anciens barbaresques que le maréchal Valée avait conçu le projet dont l’exécution était confiée à son gendre. Afin d’en assurer le succès, des diversions simultanées devaient détourner l’attention des Kabyles sur Mila, sur Bougie et sur Philippeville.

Depuis quatre années, depuis le temps de Duvivier, Bougie n’avait pas cessé de mener la triste existence d’une ville sans habitans, bloquée sans répit, et quelquefois, mais à de longs intervalles, saluée par les balles kabyles. Deux événemens en avaient seuls varié un instant la monotonie. Dans les premiers jours de son gouvernement, le maréchal Clauzel était venu à Bougie avec l’idée d’en ordonner l’évacuation; mais, sur les observations du colonel Lemercier, il s’était contenté de réduire la garnison en fortifiant davantage la place. Le second événement qui fit époque dans l’histoire du blocus fut tragique. Le 4 août 1836, le commandant Salomon de Musis, du 2e bataillon d’Afrique, avait accepté une entrevue,