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qu’on y remarque le plus et ce qu’on y trouve à profusion, c’est un nombre infini de lampes et de chandeliers : c’est encore un hommage à la lumière.

Et, à ce propos, il est peut-être nécessaire de répéter ici que les Mages vénéraient le feu et ne l’adoraient pas. Leurs descendans sont, comme eux, théistes. Zoroastre fulmina contre les idolâtres, et ils étaient légion en Perse lorsqu’il commença à prophétiser. Xerxès, le vaincu de Salamine, brûla Athènes par haine des dieux païens, qui se trouvaient dans les temples. Il brisa toutes les statues des divinités qu’il rencontra devant lui, justifiant ainsi le nom de barbare que les historiens lui donnèrent.

En allant de Ceylan à Canton, j’ai eu la bonne fortune de naviguer avec quelques Parses de distinction. Ils mangeaient à part, ce qui ne les empêchait pas de m’inviter. Leurs mains, enveloppées de fines serviettes, évitaient tout contact avec les mets qu’on nous servait. Une souillure involontaire se produisait-elle, aussitôt elle était lavée dans un bassin d’argent plein d’une eau parfumée. Au dessert, je fus invité à fumer mon cigare ; mais mes hôtes se gardèrent bien de m’imiter, car cela eût été employer le feu à un usage profane. Ils remplaçaient le manille par des pastilles de senteur qu’ils suçaient lentement. C’est là que j’eus occasion de parler de leur religion et des temples qu’ils élevaient au Feu, et voici ce qu’ils me dirent.

« Dieu, selon notre foi, est l’emblème de la gloire, de la clarté, de la splendeur, et c’est parce que la flamme donne aussi de la lumière qu’un Parse en prière contemple le feu sacré ou tourne son visage du côté du soleil. Il considère l’un et l’autre comme l’image la plus parfaite du Tout-Puissant. Pour lui, le feu est l’élément le plus pur, le plus éclatant et, au point de vue pratique, le plus nécessaire à l’homme. Il est l’agent caché ou visible d’innombrables phénomènes aussi bien dans le sein de la terre qu’à sa surface. Les Aryens le révéraient ; les Romains le faisaient entretenir par leurs vierges. La lampe, qui brûle nuit et jour dans le sanctuaire des églises catholiques, est aussi un symbole et non simplement une clarté. Il ne faut pas croire non plus que nous vénérons tous les feux. Celui qui, de préférence, est l’objet de notre culte doit s’être reproduit neuf fois avant de brûler sur l’autel. Il en est un qui vient en ligne droite du ciel, la foudre, et c’est le feu le plus pur, le feu par excellence. Lorsque le feu s’est reproduit neuf fois par une combustion successive de bois de santal, c’est la braise de la neuvième combustion qui devient le feu sacré. Celui que l’on vénère actuellement à Bombay, dans les atash Adarams et atash Behrams ou temples, a été recueilli à trois lieues de Calcutta, à la suite d’un orage. La