Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme le firent depuis Geulincx, Malebranche, Leibniz, en dissocier, pour les rejoindre ensuite tant bien que mal, les élémens intégrans, et même, comme tendit à le faire, sans s’y résoudre entièrement, le dernier de ces philosophes, réduire l’élément inférieur à une simple apparence de l’autre, et donner ainsi ouverture, au moins pour l’explication de la nature, à un parfait idéalisme. L’élément négatif, ce « non-être » auquel Platon déjà voulait qu’on fît sa part, ainsi éliminé par la théorie, n’en reparaît pas moins ramené par l’expérience, et en le réduisant à un effet d’une pure illusion, l’illusion demeure encore un mystère en nous, comme l’était hors de nous l’adjonction au principe positif d’un élément de limitation et de privation.

Si Pascal ne recherche pas plus que Descartes comment l’âme a été jetée dans le corps, il ne recherche pas davantage comment elle a pu, à l’origine, pécher, encore moins comment le péché ou la tendance à pécher peut passer d’âme à âme.

Il ne recherche pas davantage, quelques efforts qu’eût faits Jansénius, à la suite de saint Augustin, pour éclaircir le problème, comment il se peut faire qu’à la volonté humaine vienne se joindre, pour la guérir et la redresser, la volonté divine. Ce sont là des faits, certains par tout ce qu’ils expliquent, eux-mêmes inexplicables, derniers mystères en lesquels tous autres mystères se résolvent.

« La fin des choses et leurs principes sont pour l’homme invinciblement cachés dans un secret impénétrable. »

Ce n’est pas, du reste, obscurité véritable que la fin et le principe, qui ne sont qu’une même chose. Comme s’accordèrent à le dire, avant Pascal, Platon, Aristote et Descartes, c’est au contraire la lumière pure. Seulement, la lumière pure est trop vive pour notre faible vue, et l’éblouit. Il n’en est pas de même du rapport immédiat des choses à leurs principes et à leurs fins, de leurs commencemens et de leurs terminaisons. « J’ignore, disait dans son style figuré, J.-B. Van Helmont, la manière dont expriment leurs dons les principes des choses. » C’est la pensée de Pascal sur ces mystères de commencement et de fin entre lesquels est compris le cours de l’existence temporelle. Ils expliquent tout : ils ne s’expliquent point. C’est assez qu’une autorité irréfragable les garantisse. Cette autorité est celle du cœur, où par le Dieu.

Pascal a ramassé, classé toutes les preuves dont le raisonnement peut se servir pour établir la vérité de la religion chrétienne : ces preuves sont les miracles, et parmi les miracles, au premier chef, les prophéties. « Ren, en conclut-il, n’est plus certain que la religion; » mais aussitôt il ajoute que « la religion n’est pas certaine. » C’est que si, dans l’ordre géométrique, partant de définitions, on peut