Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de l’imagination, mais comme consistant tout entière dans un état du cœur et de la volonté. Lui-même, d’ailleurs, après avoir dit : « j’aime la pauvreté, » avait déjà ajouté : «J’aime les biens, parce qu’ils donnent les moyens d’en assister les misérables. »

L’idéal purement spirituel est, en tout cas, le terme où tend sa pensée, où concourent sa philosophie et sa religion.

L’humanité déchue, parce qu’elle s’est détachée de son principe, il faut, pour la relever, que ce principe descende lui-même à elle ; il faut qu’il s’abaisse à ce milieu où elle s’est laissée tomber, se fasse ainsi pour elle médiateur, et la ramène, régénérée, à l’extrémité de perfection pour laquelle elle fut faite. C’est ce qu’on nomme incarnation et rédemption. Comment comprendre la charité? Comment comprendre la rédemption? Selon Pascal, on ne le peut, non plus qu’on ne peut comprendre comment l’âme, originairement, a été, suivant son expression, jetée dans le corps.

« L’homme est à lui-même le plus prodigieux objet de la nature, car il ne peut concevoir ce que c’est qu’esprit et encore moins ce que c’est que matière, et moins qu’aucune chose comment un corps peut être uni avec un esprit. C’est là le comble de ses difficultés (c’est-à-dire, c’est là pour lui le plus obscur des problèmes), et cependant c’est son propre être. » Et il cite saint Augustin, qui a dit : « La manière dont les esprits sont attachés aux corps est incompréhensible, et cela pourtant est l’homme. » Et, en effet, si l’on peut établir, avec tous les plus grands philosophes, que la partie inférieure de notre nature a sa raison, et, par suite, son type dans la supérieure, qui est l’esprit, si il n’est peut-être pas impossible, sur les traces des Platon, des Plotin, d’autres encore, d’entrevoir quelque chose du secret de fascination dont la puissance fait descendre dans l’existence naturelle des principes d’un ordre supérieur, vainement a-t-on cherché à montrer, dans le détail, comment l’esprit peut donner origine à la nature, comment il peut recevoir de la nature des impressions ou lui imprimer le mouvement. Descartes, avec la haute idée qu’il avait de l’âme, ne pouvait admettre qu’elle se transfusât, pour ainsi dire, dans le corps par ce qu’on appelait, depuis Suarez, l’influence physique : il fallait, selon lui, admettre, sans prétendre l’expliquer, qu’elle était avec le corps dans un commerce intime et effectif. A côté des idées profondément hétérogènes de l’âme et du corps, il fallait admettre une troisième idée, toute différente, qu’elles ne suffisaient pas à expliquer : celle de leur union, embrassant et la sensibilité, qui est passive, et la motilité, qui est active, celle-là proprement analogue à l’entendement, celle-ci à la volonté. C’était là un fait qu’il fallait reconnaître, sans prétendre.