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vu plus haut, et comme on le verra encore tout à l’heure, selon Pascal lui-même, un grand secret de la nature, le peintre trouve, dans ces originaux qu’on n’admire point, et en dégage quelque chose qui pourtant mérite admiration. Rembrandt fait voir, dans un ensemble d’objets des plus vulgaires, ce que le poète appelle dias luminis auras. Et c’est pourquoi Boileau a pu dire :


Il n’est point de monstre odieux
Qui par l’art imité ne puisse plaire aux yeux;


par l’art, non par un artifice de reproduction servile. S’il ne s’agissait que de sens, sans rien de l’esprit, ce ne serait point un « homme » qu’on trouverait en un « auteur, » mais un « animal, » et il n’y aurait pas lieu d’être « charmé. »

Par la nature que l’art a pour fin d’imiter, ce que Pascal entend, c’est la nature supérieure, dont ce que le vulgaire prend pour la vraie nature est une altération, nature primitive, originale, que l’art a pour objet, comme la philosophie, de restituer. Et cette nature primitive dont tout en ce monde est image plus ou moins distordue et altérée, le fond en est l’âme, en sa perfection essentielle. C’est pourquoi, encore une fois, le plus grand peut-être des artistes modernes, Léonard de Vinci, a pu dire : la fin de la peinture est de représenter l’âme.

Tout dans l’univers est imitation: c’est une remarque de Pascal, « La nature s’imite. Une graine jetée en bonne terre produit : un principe jeté dans un bon esprit produit. Les nombres imitent l’espace, qui sont de nature si différente. Tout est fait et conduit par un même maître, la racine, les branches, les fruits, les principes, les conséquences. »

On comprendra mieux l’intérêt que Pascal dut attacher à l’idée de l’imitation, si l’on se rappelle que sa théorie des sections coniques, ouvrage de sa jeunesse, admiré de Descartes et de Leibniz, et où dut se trouver déjà en germe toute sa manière de comprendre les mathématiques, paraît avoir été fondée sur cette conception, mise en avant par le profond géomètre Desargues, que les propriétés d’une figure compliquée peuvent être considérées comme des modifications et ressemblances d’une figure plus simple; que, par exemple, la section conique qui est l’ellipse n’est qu’une perspective du cercle que le cône a pour base ; théorie d’après laquelle le secret des mathématiques serait, comme l’est celui de la nature, telle que l’ont conçue Aristote, Goethe, Geoffroy Saint-Hilaire, la métamorphose ; théorie d’universelle similitude, ayant pour fond une idée d’identité radicale. Un seul principe invariable, disait Leibniz, avec