Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/317

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elles appartiennent, qu’elles soient prévenues, qu’elles soient condamnées par la justice, qu’elles soient punies par l’administration, qu’elles soient enfermées par voie de correction paternelle, — Doit être disposée pour le système auburnien : travail en commun dans les ateliers pendant le jour, isolement en cellule à un seul lit pendant la nuit ; sinon la prison est la pire des écoles, et c’est ce qui se produit actuellement à Saint-Lazare, où les prisonnières, détenues et jugées, sont perpétuellement gardées en haleine par le vice qui rôde autour d’elles et les pénètre comme la plus contagieuse des épidémies. Si l’on veut bien reconnaître que le penchant au délit et l’instinct du crime sont un mal moral, on conviendra qu’il serait peut-être sage de traiter ce mal comme on traite le choléra ou la peste et de lui bâtir des lazarets. L’énergie sédative de l’isolement est parfois considérable sur l’être humain qui a failli, n’en déplaise aux philanthropes à courte vue pour lesquels le bien-être du malfaiteur prime la sécurité des honnêtes gens ; on peut sortir amélioré d’une cellule, on ne sortira jamais qu’empiré d’une prison en commun. Je crois que pas un des hommes qui se sont occupés sérieusement du régime pénitentiaire ne sera opposé à cette opinion. Les maisons où les détenus sont en communications fréquentes, — Saint-Lazare, Sainte-Pélagie, une des sections de la Santé, — sont la pépinière des récidivistes; on le sait à la préfecture de police et à la justice correctionnelle. L’action que les personnes bienfaisantes cherchent à exercer sur les prisonniers, dans l’espoir souvent déçu de les ramener au bien, de les relever à leurs propres yeux, de les rendre à une existence honorable et laborieuse, est bien plus puissante dans la séquestration que dans la promiscuité. En ce dernier cas, l’effort doit être incessant et poussé à l’extrême ; bien souvent il est vain ou ne produit qu’un effet momentané, et le péché ressaisit celui qu’on avait tenté de lui arracher. On le sait, mais on ne désespère pas, et on recommence avec la ténacité des âmes qui ont foi en elles, parce qu’elles ne veulent que le bien, et que la pitié dont elles sont animées les empêche de se décourager. Qui sait si les Danaïdes n’ont pas enfin réussi à remplir leur tonneau?

L’état moral et l’état matériel des malheureuses qui vivent à la détention de Saint-Lazare a ému des cœurs compatissans. Des femmes honnêtes, dans la stricte acception du mot, mères de famille, glorieuses des enfans qui croissent à l’abri de leur vertu, sans acception de croyances religieuses ou de théories philosophiques, se sont concertées dans la pensée de porter secours aux pauvres créatures qui, de chute en chute, sont venues tomber dans la maison où saint Vincent de Paul a prié avant de partir pour aller racheter les captifs des villes barbaresques. Que sa grande âme faite d’indulgence et de commisération