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tout prétexte de chercher dans une sanglante aventure la réparation de leurs mécomptes.

Il a pensé aussi qu’il n’obtiendrait jamais la révision des lois de mai s’il ne l’achetait par quelque complaisance : « Notre âme, écrivait-il en 1878 à l’archevêque de Cologne, ne connaîtra pas le repos avant que la paix religieuse soit rétablie en Allemagne, » Durant plusieurs années, il a poursuivi cette épineuse et délicate négociation, en y employant tous les efforts, tous les soins, toutes les souplesses de sa patiente diplomatie. Le gouvernement prussien refusait de se démunir de ses lois de combat et de rigueur. Le 20 avril 1880, M. de Bismark écrivait au prince de Reuss : « Si on a cru que non-seulement nous désarmerions, mais que nous détruirions nos armes par voie législative, on nous a prêté gratuitement une grande sottise... Une épée doit servir à retenir l’autre dans le fourreau. » Le pape ne s’est point lassé.

On ne consentait d’abord qu’à laisser dormir les lois; M. de Bismarck s’était fait donner par les chambres prussiennes des pouvoirs discrétionnaires, le droit de suspendre à son gré les poursuites et de multiplier les dispenses. Ce n’était pas assez pour Léon XIII. « Les lois restent, disait-il fort justement; les hommes et leur bonne volonté ne vivent qu’un jour. Je ne serai tranquille que quand vous aurez révisé.» On s’est décidé enfin à celle révision qu’on avait obstinément refusée; mais le saint-père sentait bien qu’elle ne répondrait pas à ses désirs s’il n’avait lui-même rien à offrir, rien à donner. On lui avait dit plus d’une fois : Si vous voulez que nous allions à vous, il faut que vous veniez à nous; nous réglerons notre pas sur le vôtre. « Sous peu, écrivait le cardinal Jacobini, on présentera le projet de loi tendant à une révision finale des lois politico-ecclésiastiques prussiennes. Nous avons reçu à ce sujet tout récemment des assurances formelles... Un vote favorable du centre dans l’affaire du septennat affermirait le gouvernement dans ses bons sentimens pour l’église et pour le saint-siège apostolique. » Le pape sait qu’à Berlin on ne donne qu’à la condition de recevoir, que la paix ou la guerre, tout s’y marchande; après avoir longtemps résisté, il est entré en composition, il a conclu un marché. N’est-on pas condamné quelquefois à adopter les mœurs et les usages des gens avec qui l’on traite?

Ceux qui ont l’honneur d’approcher le saint-père le soupçonnent de n’avoir qu’une gratitude mêlée de défiance pour les laïques qui se mêlent ostensiblement de ses affaires et lui dictent des plans de conduite. Il accepte leurs services, il fait peu de cas de leurs conseils, l’autorité qu’ils se sont acquise lui porte ombrage et leur éloquence l’inquiète : les diplomates goûtent médiocrement les tribuns. Léon XIII n’admet pas qu’on soit plus papiste que le pape. Assurément, il n’a pu entrer