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tracer l’image d’après ces indices, c’est-à-dire d’appuyer une présomption sur une autre présomption. Mais, en dehors du précurseur ainsi conçu et que nous ne saurions à coup sûr ni repousser d’une façon absolue et par fin de non-recevoir, ni accueillir en l’absence de documens décisifs, l’homme « tertiaire » ne saurait avoir qu’une signification, celle du prolongement rétrospectif de notre race, plus ou moins modifiée, si l’on veut, jusque dans la période géologique immédiatement antérieure à celle qui en a fourni les plus anciennes traces, c’est-à-dire jusque dans la période tertiaire. En lui-même, ce prolongement n’offre rien d’invraisemblable; il n’a rien qui soit de nature à choquer l’esprit. Il ne s’écarte pas, en un mot, de ce que serait le résultat possible de recherches relatives aux origines d’un peuple quelconque, Francs, Goths ou Vandales, dont un érudit poursuivrait les vestiges au fond d’un passé plus lointain que le moment précis où ce peuple inaugure son rôle historique. Remarquons-le, puisque l’observation est applicable à la paléoethnie, l’archéologue qui rechercherait ainsi les premiers débuts d’un peuple historique s’adresserait de préférence aux siècles immédiatement voisins de celui où ce peuple entre en scène. — Où étaient les Francs avant Clovis et avant Chilpéric ou Mérovée? Ils nous apparaissent en corps de nation dans le cours du IVe siècle ; vers la fin du IIIe, sous Aurélien, il est fait d’eux quelque mention; voilà pour eux ce que le quaternaire est maintenant pour l’homme; mais, plus loin, s’il était possible d’interroger le passé, en le remontant, et d’obtenir de nouveaux documens, n’est-ce pas sous Septime-Sévère ou sous les Antonins que nous aurions quelque chance de saisir la plus lointaine filiation des Francs? Aurions-nous la pensée de remonter au-delà? — Et, dans le tertiaire même, si nous espérions rencontrer des éléphans ou des rhinocéros plus anciens que ceux signalés jusqu’à présent, est-ce à l’éocène et au paléocène, c’est-à-dire aux débuts de la période, que nous irions les demander? — Non, assurément! — Hé bien ! le même calcul, la même méthode, les mêmes procédés d’investigation doivent être également appliqués aux recherches relatives à l’origine de la race humaine.

L’homme quaternaire, déjà répandu sur une vaste étendue de pays, taillant des armes semblables entre elles, de l’embouchure de la Somme à celle du Tage, n’était certainement pas à son premier début. Il existait auparavant à coup sûr; mais où? En Europe ou ailleurs?.. Nous le saurons peut-être quelque jour; mais si jamais nous l’apprenons, il est bien certain que c’est dans la partie récente du tertiaire que cette présence nous sera révélée. Mais alors ce n’est pas précisément l’homme tertiaire, c’est-à-dire répandu dans tout le « tertiaire » qu’on aura découvert, mais plus exactement l’homme « pliocène. » Ce serait une étrange erreur, en effet, que de croire qu’il en ait été autrement