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deux sentimens. « Représentez l’horreur sur le visage, dit M. Mantegazza, et ajoutez-y des poings fermés : vous aurez l’image de la haine. » C’est que la haine est l’horreur tendant à détruire son objet.

Si les sentimens qui dérivent de l’aversion sont concentriques, les sentimens qui dérivent du désir sont expansifs : leur mimique exprime par le corps, les bras, la tête, les lèvres, les yeux, une tendance au développement et au contact, qui varie d’aspect selon la nature des objets et du contact possible.

Avec la joie et la souffrance, l’aversion et le désir, on a les quatre passions fondamentales dont le mélange suffit à rendre compte de toutes les autres, et dont l’expression engendre également les mimiques les plus complexes. Les physiologistes n’ont pas assez tenu compte des simplifications qui pouvaient être ainsi opérées par la psychologie. Tout se ramène, en définitive, à un mouvement général de la volonté vers les objets ou à l’opposé des objets, et c’est le mouvement corrélatif d’expansion ou de contraction organique qui est le vrai générateur du langage des émotions.


IV.

Passons maintenant aux considérations, d’ordinaire négligées, qu’on peut emprunter à la sociologie. Quand s’est produite dans le cerveau la série d’ébranlemens qui a pour origine l’appétit ou, comme dit Schopenhauer, le « vouloir-vivre, « il est impossible que le mouvement ne se propage pas ensuite à tous les organes. Il y a là, d’abord, une contagion mécanique, mais il y a aussi, selon nous, une contagion psychologique et conséquemment, un phénomène social. L’organisme, en effet, est un composé d’organismes élémentaires, une société de cellules vivantes unies entre elles par des liens plus ou moins étroits. Les cellules cérébrales étant, en définitive, analogues à toutes les autres cellules, il est peu probable qu’elles n’aient pas aussi leur côté mental, c’est-à-dire ne soient pas le siège de sensations rudimentaires, d’émotions vagues et d’appétitions aveugles. Dans le myriapode, c’est la tête ou segment terminal qui dirige, voit, flaire, mais tous les autres segmens accomplissent aussi leurs fonctions propres et ont leur vie propre au milieu de la vie collective : si on coupe l’animal en plusieurs parties, ces diverses parties continuent de se mouvoir et de réagir sous les excitations extérieures; il est donc improbable que la tête soit seule à posséder sensibilité et appétit. Quand une blessure est faite à l’animal, elle est ressentie à des degrés divers par tous les segmens dont il se compose, et la réaction se propage aussi de segmens en