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les traits du visage ; une vive joie ou une vive inquiétude nous fait nous agiter, parler, aller et venir. En un mot, la décharge nerveuse suit ou les nerfs cérébraux, ou les nerfs ganglionnaires, ou les nerfs moteurs, ou les trois canaux à la fois dans des proportions diverses. Ordinairement, chacun de ces canaux s’alimente aux dépens des autres. Quand la colère est concentrée, l’agitation cérébrale augmente de violence dans la mesure où l’agitation des muscles diminue ; quand nous dépensons notre excès d’agitation en mouvemens extérieurs, en gestes, en allées et venues, en larmes et plaintes, l’agitation cérébrale se trouve par cela même diminuée. Ces phénomènes de diversion ne sont que des cas particuliers de la conservation de la force et de la propagation du mouvement[1].

Quelquefois cette propagation aboutit à une véritable métamorphose : on voit alors se manifester une loi étudiée par Wundt, placée même par lui au premier rang, mais qui n’est, à notre avis, qu’une conséquence particulière de la loi d’équivalence. Les émotions très violentes, par la réaction qu’elles produisent sur les parties centrales de l’innervation, entraînent une paralysie subite de nombreux groupes musculaires; les faibles ébranlemens de la sensibilité, au contraire, produisent une surexcitation qui n’est que plus tard remplacée par l’épuisement. C’est ce que Wundt appelle la loi de la métamorphose de l’action nerveuse. Il en résulte des effets de balancement et de compensation qui, selon nous, ne sont toujours qu’une application de la loi d’équivalence entre les mouvemens. Prenons pour exemple la rougeur du visage. Darwin, on le sait, l’explique par l’attention qu’on porte sur son visage lorsqu’on a l’idée qu’un autre vous regarde : c’est cette attention qui appellerait le sang sur le visage même. L’explication est peu plausible, d’autant que les oreilles des lapins, qui n’en pensent pas si long, rougissent elles-mêmes sous l’influence de l’émotion. Il est bien plus raisonnable d’admettre, avec Wundt, que toute émotion excitant vivement le cœur produit dans les vaisseaux de la tête une réaction due à l’accélération des battemens cardiaques. La rougeur est causée par un relâchement momentané de l’innervation vaso-motrice, phénomène compensateur qui accompagne l’émotion cardiaque. Il y a là une série de métamorphoses nécessaires.

Les explications physiologiques de M. Mosso rentrent le plus souvent dans la loi de Wundt et, à plus forte raison, dans la loi plus générale de l’équivalence des forces. C’est surtout le système musculaire et la circulation du sang que M. Mosso a étudiés.

  1. Voir M. Spencer, sur la Physiologie du rire. Essais, tome I, p. 297 et suiv. de la traduction Burdeau.