Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/155

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un chef étranger : le patriarche n’a point d’ordres à donner aux papas grecs, particulièrement en matière politique; il n’a sur les autres évêques qu’un droit honorifique de préséance, comme présidant les conciles œcuméniques et distribuant le saint chrême, le myron, aux églises de son patriarcat. Ainsi constitué, le clergé grec est national; tout prêtre est libre de son vote aux élections, ce vote ne lui est ni imposé, ni suggéré par aucune autorité ecclésiastique.

Les luttes d’opinion n’existant pas, les élections ont toujours porté, non sur des principes, mais sur des personnes. Il en est résulté souvent des querelles à main armée, et presque toujours des manœuvres destinées à acheter des votes, soit par des présens, soit par des promesses. Un chef de parti soutenait un candidat et le candidat faisait pour être élu des dépenses quelquefois supérieures à ses ressources, dans l’espérance d’en être indemnisé avec usure par son chef parvenu au pouvoir. Ces intrigues étaient favorisées par le grand nombre et l’exiguïté des circonscriptions électorales. Il y avait 247 collèges, y compris la Thessalie et la portion de l’Épire annexée. c’était en moyenne un député pour 10,000 habitans, comprenant les enfans, les soldats et les femmes. Les députés ont senti que dans ces conditions l’esprit national menaçait de disparaître ; les séances de la chambre devenaient à la fois orageuses et stériles. La dernière a donc eu le bon esprit de réduire à 150 le nombre des députés, ce qui augmente des deux tiers la circonscription électorale; mais cet accroissement du collège est rendu bien plus grand encore par la nouvelle loi qui transporte le vote des arrondissemens au chef-lieu du département. Nous venons de faire l’essai d’une réforme analogue; elle n’a pas produit tous les bienfaits qu’on en attendait. Les élections grecques ont eu lieu au mois de janvier 1887; nous verrons bientôt si elles seront meilleures que leurs aînées.

Pour en venir à cet état de choses, la Grèce avait passé par plusieurs formes de gouvernement. La première avait été la république, ayant à sa tête le président Capo d’Istria. Après le meurtre de cet homme habile et distingué, l’Europe imposa aux Hellènes, en 1832, un roi presque absolu, gouvernant avec le concours de députés et de sénateurs. La proclamation d’une constitution et la suppression du sénat mirent le roi en tête à-tête avec la nation, lui laissant seulement la promulgation des lois et le pouvoir de dissoudre la chambre. Ce pouvoir était très nécessaire sous un régime où la puissance législative serait forcément tombée aux mains de Thémistocle et aurait frappé d’ostracisme Aristide le Juste. Le roi George, monté sur le trône en 1863, a dû plusieurs fois user de sa prérogative. On peut dire qu’il l’a fait avec sagesse, et qu’en maintenant l’équilibre entre les partis, il a empêché la nation de