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LA
GRÈCE EN 1886

II.[1]
SON ÉTAT MORAL.

De tous les élémens sociaux, celui qui se modifie le plus lentement, ce sont les mœurs. Elles résultent d’un concours de circonstances ordinairement très complexes et sur lequel les lois énoncées dans les codes n’exercent pour ainsi dire aucune action ; ces lois sont, en effet, le produit des mœurs, bien loin d’en être la cause. Une loi qui contrarie les mœurs n’a aucune chance de durer ni même d’être exécutée; ou, si elle l’est, on la considère comme violente et oppressive. Quand un peuple a été vaincu par les armes, la loi du vainqueur ne s’impose que par les armes et n’obtient l’obéissance que par la force ; la soumission, elle ne l’obtient pas, à moins que, par une action prolongée, profonde et habile, le vainqueur ne plie peu à peu à ses propres mœurs les générations des vaincus. Mais les obstacles qu’il rencontre sont si nombreux et si variés qu’il échoue presque toujours; après plusieurs siècles d’efforts, l’antagonisme subsiste et la rébellion se fait jour par quelque fissure du mécanisme social : une querelle toute locale se change aussitôt en émeute, l’émeute devient insurrection et l’insurrection prend le caractère d’une guerre d’indépendance. Le vainqueur est expulsé, avec ses forces militaires et ses administrations politiques et civiles.

  1. Voyez la Revue du 1er février.