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étaient aussi. Le 13, au point du jour, le tir à boulet fut repris pour déblayer la brèche où les défenseurs avaient accumulé des sacs de laine, des pièces de bois, des débris d’affûts. A sept heures moins un quart il fut remplacé par le tir à mitraille. A sept heures, le duc de Nemours donna le signal ; c’était l’assaut !

En quelques minutes, la première colonne, lancée au pas de course, a franchi les 120 mètres qui séparent la batterie de la brèche ; deux hommes seulement sont blessés. Le lieutenant-colonel de La Moricière, le commandant du génie Vieux et le capitaine de Garderens arrivent les premiers au sommet du talus; prenant des mains de Garderens le drapeau des zouaves, La Moricière le plante dans les décombres. Un vieux massif de maçonnerie resté debout les protège sur leur droite en leur donnant le temps de rallier leurs hommes et de se reconnaître. D’après le programme de l’assaut, les zouaves doivent marcher droit devant eux, les voltigeurs du 2e léger tourner à droite, les carabiniers tourner à gauche ; mais à l’exécution tout se mêle. Le terrain sur lequel on va s’engager défie toute description, déroute toute combinaison ; c’est le chaos. On est sur une montagne de débris, devant des murs écroulés, à la hauteur des toits d’où part un feu roulant. On cherche une issue, un débouché quelconque; il n’y en a pas. On s’engage dans une ruelle, c’est un cul-de-sac; on se tourne d’un autre côté, l’obstacle est le même. Enfin, sur la droite, le capitaine Sanzai, des zouaves, découvre une sorte de fissure; il s’y hasarde, les hommes le suivent à la file et tout à coup rencontrent une batterie du rempart dont les canonniers restés à leur poste se font tuer bravement sur leurs pièces démontées ; mais une fusillade plongeante part d’une haute maison crénelée du pied jusqu’au faîte; c’est la caserne des janissaires. Avant d’aller plus loin, il faut en faire l’assaut. La porte est enfoncée; le combat monte d’étage en étage; les derniers défenseurs acculés au toit tombent sous les baïonnettes ; mais parmi les assaillans, le fer des yatagans a fait aussi bien des victimes. Le capitaine Sanzai, qui s’en est tiré sain et sauf, va bientôt à quelques pas de là être frappé mortellement d’une balle. A gauche de la brèche, les carabiniers du 2e léger, conduits par le commandant de Sérigny, ont fini par découvrir, eux aussi, un couloir: un des deux murs qui resserrent le défilé a été sapé par le canon. Ébranlé au passage des hommes qui le frôlent, il s’abat sur eux tout d’une pièce. Le commandant de Sérigny, enseveli sous la masse jusqu’à la poitrine, meurt lentement écrasé, étouffé, dans une agonie cruelle, sans qu’il soit possible de le dégager de la ruine qui l’étreint.

Au centre, où le gros de la colonne est impatient d’agir, La Moricière, du haut d’un toit, a cru reconnaître, entre les maisons