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défense était faite de tirer un seul coup de fusil; si l’ennemi se présentait, c’était seulement à la pointe de la baïonnette qu’il fallait reconduire. Vers neuf heures, une grêle de balles, de boulets et de mitraille s’abattit sur l’atelier ; les hommes, couchés à terre, laissèrent passer l’orage ; un seul fut tué. Après une demi-heure de colère, le calme se rétablit dans la place et le travail fut repris. Les pourvoyeurs de sacs à terre, leur charge sur le dos, marchant à quatre pattes, allaient et revenaient en deux files, sous la surveillance attentive du général Trézel. Vers une heure du matin, une forte patrouille de Turcs s’approcha ; selon l’ordre, pas une amorce ne fut brûlée: on n’entendit qu’un cliquetis de baïonnettes, et les Turcs, saisis d’une vague terreur, se retirèrent plus effrayés de ce mystérieux silence qu’ils ne l’eussent été de la fusillade. Au jour, le parapet, achevé d’un bout à l’autre, mettait partout les travailleurs à couvert.

Le 11 octobre, quelques minutes avant neuf heures, le gouverneur, le duc de Nemours, les généraux Valée, Rohault de Fleury, Perregaux, Lamy, de Garaman, Trézel, Rullière, tous les aides-de-champ, tout l’état-major, étaient réunis sur le terre-plein de la batterie de Nemours, qui n’était armée encore que de deux canons de 24 et d’un de 16. A neuf heures, au commandement donné par le prince, le feu s’ouvrit; deux des batteries auxiliaires y joignirent aussitôt le leur. Au bout d’une heure, le front d’attaque fut réduit au silence ; toutes les défenses du chemin de ronde étaient rasées, les pièces en barbette démontées, plusieurs des casemates éventrées. Alors le général Valée indiqua pour le tir en brèche un point situé un peu à droite de l’ancienne porte El-Raïba ; c’était la partie de l’enceinte la plus saillante et la moins flanquée. Une troisième pièce de 24 avait été mise en place dans la batterie de Nemours. Attentifs à chaque coup de canon, les généraux cherchaient à reconnaître l’effet du boulet sur la muraille. Elle était solidement construite, d’une pierre dure, compacte, qui ne s’était pas effritée sous l’action du temps, et que le choc pouvait broyer, mais non faire voler en éclats. Déjà troué comme un crible, le revêtement tenait dans son ensemble. Cependant, vers deux heures et demie, un coup d’obus, pointé par le commandant Maléchard, fut suivi d’un premier éboulement que les spectateurs saluèrent d’une grande acclamation. c’était la brèche qui s’ouvrait; à bientôt la fin.

Au seuil de l’action décisive, le général de Damrémont, fidèle aux instructions que lui avait données le gouvernement, voulut essayer de négocier une dernière fois. « Mes canons sont au pied de vos murs qui vont être renversés, disait-il dans une proclamation aux habitans de Constantine, et mes troupes entreront dans votre ville. Si vous voulez éviter de grands malheurs, soumettez-vous pendant qu’il en est temps encore. Je vous garantis par serment