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droite de la Seybouse était entouré d’une ligne à redans d’un développement de 900 mètres ; sur la rive gauche, un de ces ouvrages que dans la langue technique du génie on nomme bonnet de prêtre servait de tête de pont ; quelques postes avancés couverts par des flèches occupaient les mamelons les plus saillans sur les deux rives. Au pied des glacis, les troupes, accrues d’un bataillon de zouaves, d’un bataillon du 2e léger et du troisième bataillon d’Afrique, s’étaient construit des baraques en feuillage. Le 12 septembre, une reconnaissance, forte de deux mille cinq cents hommes, de cinq cents chevaux et de huit pièces d’artillerie, sous le commandement du gouverneur-général, se porta par le col de Ras-el-Akba, Sidi-Tamtam et la vallée de l’Oued-Zenati, dans la direction de Constantine. Parvenus au sommet du col, les nouveau-venus vérifièrent avec étonnement ce que leur avaient annoncé les anciens, cet étrange et brusque contraste entre le pays vert et le pays brun, entre la nudité absolue de l’un et la végétation luxuriante de l’autre. La colonne ne resta que deux jours en campagne ; après avoir échangé quelques coups de fusil avec un petit nombre de cavaliers qui s’étaient contentés d’observer sa marche, elle revint au camp, le 13 au soir. Trois bataillons et deux compagnies de sapeurs furent laissés aux ruines d’Announa, sous les ordres du général Lamy, pour adoucir et niveler les pentes sur les deux versans du col. Le 18, le gouverneur-général, escorté de la cavalerie, se rendit à Bône, afin de recevoir le duc de Nemours, dont l’arrivée très prochaine lui était annoncée.

Le lendemain même de son départ, le général Rullière, qui avait pris le commandement du camp, aperçut, mais assez loin encore, des groupes d’Arabes et de Kabyles qu’on disait être l’avant-garde du bey Ahmed. Les jours suivans, l’ennemi se rapprocha peu à peu en tiraillant, mais l’attaque sérieuse ne commença que le 22. La tête de pont et les petits ouvrages de la rive droite étaient occupés par les zouaves, le bataillon du 2e léger, un bataillon du 47e et la compagnie franche du 2e bataillon d’Afrique. Ce fut contre les postes les plus éloignés du camp, à 1,000 mètres environ de distance, que les assaillans portèrent leurs efforts. Leur ligne, qui dessinait un grand arc demi-circulaire et dont les extrémités s’appuyaient à la Seybouse, ne présentait pas moins de cinq mille chevaux, de quinze cents hommes d’infanterie régulière et d’un millier de Kabyles. Dans la nuit, le général Rullière envoya du renfort au mamelon qui paraissait être le principal objectif de l’ennemi. On y construisit un épaulement pour deux obusiers de montagne, et toutes les broussailles rasées aux alentours furent transformées en abatis. Le lieutenant-colonel de La Moricière vint prendre le commandement de ce poste ; il avait sous la main trois compagnies de ses