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général, lorsque vos dépêches du 19 août de Medjez-Ahmar sont parvenues au gouvernement, et l’on a sur-le-champ mis en délibération le parti à prendre relativement à l’expédition de Constantine et au commandement que, depuis le printemps dernier, j’avais demandé au roi de me confier. L’opinion très vive du roi en faveur de l’expédition a trouvé un écho unanime dans le conseil, et il a été résolu très promptement que l’ordre serait expédié de se mettre en mouvement le 15 septembre, et de chercher à prendre Constantine de vive force et à y laisser garnison après, mais en accordant toujours à Achmet le traité (tel qu’il a été près d’être signé) à quelque moment qu’il proposât d’y souscrire, soit avant le siège, soit pendant l’attaque, soit après la prise de la ville. j’ai été pleinement de cet avis, et j’ai demandé, en outre, qu’il fût bien spécifié que, la paix étant le but de l’expédition, l’on s’abstiendrait de la rendre plus difficile en exigeant des conditions plus dures que celles qui avaient été jugées bonnes avant de partir de Medjez-Ahmar. j’ai demandé en outre que, tout en donnant l’ordre de se porter en avant et d’attaquer Constantine, il fût entendu que, dans le cas où les préparatifs seraient incomplets et ne présenteraient pas toutes les chances de succès, il serait préférable de suspendre tout mouvement, et que mieux vaudrait ne pas se porter en avant que d’être obligé de reculer ensuite.

« Cette première question ainsi réglée, on est passé à l’affaire de mon commandement, qui a rencontré la plus vive opposition de la part du roi et de presque tous les ministres. La sûreté du roi, l’incertitude de la guerre, le peu d’importance d’Achmet-Bey, la gravité possible de mon absence de France dans de certains momens, et surtout enfin les risques que courrait ma santé, toutes ces raisons m’ont été objectées avec beaucoup de chaleur et de persistance. De mon côté, j’ai fait valoir l’importance d’avoir fait exercer à l’héritier du trône un commandement en chef et un commandement de guerre ; j’ai exposé quelle était ma position, obligé que j’étais, dans un temps où le travail est la loi commune, de faire ma carrière à la sueur de mon front, n’ayant ni la tribune, ni la presse, ni aucune autre occasion possible que mes devoirs militaires pour me faire connaître à la France ; j’ai représenté que je devais saisir aux cheveux toute occasion de prendre sur l’armée un ascendant que l’on ne pouvait prendre aujourd’hui que par le commandement exercé pendant la guerre, et en ayant fait ses preuves et donné des garanties non-seulement comme bravoure, mais aussi comme capacité, de manière à ce que, le jour où il faudra que je mette mon épée dans la balance, je puisse dire, moi aussi : « s’il en est un plus digne que moi de la porter, qu’il se présente ! » j’ai exposé au roi qu’il avait refait depuis sept ans l’état de roi, que moi je devais pour moi et mes frères