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idées personnelles. Il fit aussitôt cesser les hostilités et rentrer les troupes dans leurs cantonnemens. Il se contenta d’envoyer au ministre de la guerre des observations très justes et très motivées au sujet de l’énormité des concessions faites par le général Bugeaud à l’émir. Quand il protestait ainsi, le 15 juin, il était déjà trop tard. C’était à cette même date que le ministre lui faisait annoncer par dépêche télégraphique la ratification du traité. Peu de jours après, le duc d’Orléans, qui comprenait ce que devait souffrir l’âme généreuse et patriotique du gouverneur, lui écrivit pour adoucir par un témoignage de sympathie l’amertume de ses réflexions. « Monseigneur, répondit, le 7 juillet, au prince le général de Damrémont, la lettre que je viens de recevoir de Votre Altesse Royale est le seul bien que j’aie ressenti depuis trois mois que je suis en Afrique. Entouré de difficultés ici, méconnu à Paris, abreuvé de dégoûts, je me demandais si, dans cette situation, un homme qui a le cœur haut placé et la conscience parfaitement pure ne devait pas se démettre du pouvoir qu’on lui avait confié, s’il n’y avait pas un sentiment de dignité honorable à se retirer des affaires publiques et à reprendre l’indépendance de la vie privée, lorsque votre lettre si bonne, si affectueuse, m’est parvenue et m’a prouvé que Votre Altesse Royale avait repoussé la pensée que je fusse capable de petites et mesquines rivalités, et que l’estime dont elle m’honorait était restée entière et complète au milieu des fausses accusations dont mon nom était entouré à Paris. Ce sentiment que vous ne m’avez pas méconnu, monseigneur, lorsque tout le monde m’accusait si légèrement, si injustement, m’a rattaché à ma position ; c’était un ordre implicite de votre part d’y rester, de continuer l’œuvre commencée, pour laquelle, à mon départ de Paris, vous me donniez votre appui, vos encouragemens, qui devait avec son succès m’obtenir un jour une part plus grande dans votre estime et dans votre pensée. Enfin, monseigneur, vous avez relevé mon courage, et je ne vous exprimerai jamais assez vivement la profonde reconnaissance que j’éprouve pour tout le bien que vous venez de me faire. » L’œuvre commencée, l’œuvre qu’il fallait achever et parfaire, c’était la grande affaire de Constantine. Le général de Damrémont s’y dévoua désormais corps et âme.


V.

Dans la pensée du ministère, le problème de Constantine pouvait être résolu de deux façons ; la satisfaction que réclamait la France pouvait être militaire ou politique. Après la conclusion du traité de la Tafna surtout, cette idée d’une solution sans combat prévalut dans