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Constantinople pour le règlement de l’affaire bulgare, les propos belliqueux attribués à M. de Moltke, le discours du statthalter d’Alsace-Lorraine, les articles de la Gazette de Moscou, le désastre des Italiens à Massouah, la crise ministérielle qui s’en est suivie à Rome, le vote des 86 millions du budget extraordinaire de la guerre à Paris et les commentaires de la presse allemande sur ce vote.

La conviction bien arrêtée que toute cette agitation, si dangereuse pour le maintien de la paix, au cas où la France se fût montrée moins calme et moins réservée, n’a pour objet que d’assurer le triomphe du septennat dans le prochain Reichstag, explique suffisamment que la réaction n’ait pas fait de nouveaux progrès depuis la liquidation.

Le marché est en effet devenu beaucoup plus calme; il subit encore quelques mouvemens brusques en hausse ou en baisse; cependant les grands coups de panique ne se sont plus reproduits. Les écarts d’un jour à l’autre sont moins considérables, et les tendances sont, sinon à la hausse, du moins à la consolidation des cours. Du reste, les transactions sont en quelque sorte suspendues. Malgré l’importance extraordinaire des paiemens à effectuer après la liquidation, les intermédiaires se sont tirés à leur honneur de ce pas difficile. Tous les engagemens ont été réglés, mais cette ponctualité si remarquable n’a pas été obtenue sans de grands sacrifices. Aujourd’hui, les intermédiaires conservent une grande défiance à l’égard les uns des autres, et non pas seulement à l’égard de certains de leurs cliens. Les crédits sont étroitement limités, et les ordres à terme reçus avec circonspection.

Quant au marché du comptant, il a montré pendant quelques jours d’excellentes dispositions. Les capitaux semblaient vouloir revenir en masse à la Bourse. Sur les fonds publics, la demande était très empressée, et l’on cotait des cours bien plus élevés qu’à terme. On a atteint ainsi jusqu’à 79 francs sur le 3 pour 100 et 83 francs sur l’amortissable. On commençait à escompter des rentes, comme si le titre allait faire brusquement défaut.

Cette ardeur de l’épargne s’est bientôt attiédie, et même, vers la fin de la semaine, transformée en un semblant de méfiance. Le vote malencontreux de la chambre en faveur de l’établissement, à partir de 1888, d’un impôt sur le revenu, n’a pas été étranger à ce fâcheux revirement. Il est incontestable, au surplus, que dans l’innombrable armée des porteurs d’obligations quelques-uns ont pris peur, ou du moins ont pensé que la situation comportait des mesures de prudence. De là des ventes de titres assez continues pour que la plupart des catégories d’obligations, soit du Crédit foncier, soit des compagnies de chemins de fer, aient fléchi depuis le commencement de la crise d’une dizaine de francs.

Dans quelques semaines, lorsque les appréhensions relatives à