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disposée que dans le précédent au vote du septennat militaire. Mais on comptait sur la parole donnée par le chancelier que l’Allemagne n’attaquerait pas la France, et l’on était absolument rassuré, aussi bien à Vienne et à Berlin qu’à Paris, sur les desseins de la France à l’égard de l’Allemagne.

Ce n’est pas non plus à des exigences subites de l’argent, à une élévation anormale des taux de report, que l’on peut attribuer l’effondrement des derniers jours de janvier. Le marché monétaire avait repris son allure habituelle, au point que la banque d’Angleterre, après la banque de l’empire d’Allemagne, a pu abaisser le taux de son escompte. Si, le jour de la liquidation, les acheteurs de rentes en spéculation à la coulisse ont dû payer jusqu’à 0 fr. 75 et 0 fr. 80 de report, ce n’est pas que les capitaux fissent défaut, car on reportait à 0 fr. 15 au parquet, mais la crise venait d’amener un resserrement général des crédits, et la spéculation à la hausse a sombré parce que, dans la grande majorité des cas, on a refusé de la reporter.

Nous avons dit ici, il y a quinze jours, que l’on avait usé sans mesure depuis de longs mois, sur les grands marchés européens, de la force que pouvait donner l’organisation des syndicats sur la plupart des fonds d’état. Toutes les exagérations commises sur le Hongrois, l’Italien, l’Extérieure, le Portugais et les rentes françaises se paient aujourd’hui. Sans doute, la liquidation des syndicats eût été infiniment moins désastreuse si l’état politique de l’Europe avait été plus satisfaisant et si la crainte d’une guerre imminente n’avait pas précipité a catastrophe. De toute façon, une baisse importante se serait produite A supposer que le plus grand calme eût régné sur le continent, et que même la question bulgare eût abouti à un règlement pacifique, la reprise industrielle et commerciale qui s’annonçait dans les derniers mois de 1886 par tant de symptômes significatifs eût suffi pour forcer les promoteurs de la hausse des fonds d’état à lâcher prise.

Il est incontestable que les circonstances se sont mal prêtées à une terminaison heureuse et graduelle d’une si longue campagne de hausse. Comment des marchés financiers, surchargés d’engagemens, auraient-ils résisté à une avalanche de faits et de nouvelles qui tous tendaient à présenter comme prête à éclater une grande guerre européenne ? Il suffit, pour constater que les marchés ont encore fait preuve d’une grande solidité, de rappeler qu’en moins de quinze jours le monde financier a vu se succéder : l’article du Daily News et celui de la Post, l’appel pour un service de douze jours de 73,000 réservistes allemands, l’annonce de la convocation des délégations austro-hongroises en vue de l’adoption de mesures importantes et de crédits considérables pour la défense de la monarchie, l’interdiction d’exportation des chevaux en Russie et en Autriche, la nouvelle d’un prochain appel de cent mille hommes de réserve en Russie, l’insuccès des négociations engagées à