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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février.

Non, en vérité, depuis longtemps le monde n’avait passé par une crise comme celle qu’il traverse à tâtons, au milieu d’une sorte d’irritante obscurité, depuis quelques semaines. Tous les jours, à son réveil, il se retrouve sous le poids de la même obsession, flottant entre ses désirs et ses craintes, aussi prompt à s’alarmer qu’à se rassurer au moindre signe, allant d’un calme momentané et fatigué à une panique nouvelle. Dans tous les pays, au lieu de s’occuper des affaires intérieures, qui ne manqueraient certes pas aux gouvernemens et aux assemblées, on passe son temps à interroger le classique horizon de l’Europe, à scruter des mesures dont le sens est souvent dénaturé, à attendre les nouvelles qui vont secouer les bourses de toutes les capitales.

Un jour, c’est un emprunt négocié à Berlin en vue de complications prochaines ; un autre jour, c’est l’appel des réserves ou la défense d’exportation des chevaux d’Allemagne. Tantôt c’est quelque parole qui aura échappé ou qu’on aura prêtée à quelque personnage public comme M. de Moltke ; tantôt c’est un article d’un journal allemand lançant ses foudres contre la France. D’heure en heure on reprend le bilan des chances de la guerre et des chances qui restent à la paix. Les impressions se succèdent, se confondent, et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est que, lorsqu’on en vient à serrer de plus près les faits, à examiner avec sang-froid l’état réel des divers pays, on ne trouve plus rien de précis; on trouve surtout du bruit, des commentaires sur des intentions présumées. Y a-t-il dans ces masses nationales que la guerre mettrait si terriblement aux prises la moindre animation? On ne découvre sûrement rien de semblable. Y a-t-il eu entre les cabinets de ces explications ou de ces observations qui sont souvent le prélude d’événemens plus graves ? On ne le dit pas du tout. Leti rapports officiels