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à craindre. Mais en ce moment elle ne pourrait éclater en Europe que par la folie de tous. Il faudrait le consentement universel des victimes à un malheur qui n’épargnerait personne. Il faudrait que les petites nations menacées de disparaître fussent lasses de vivre, que les grands peuples se fussent mis d’accord pour procéder équitablement à la spoliation des peuples faibles, que toutes les nations eussent foi dans la modération, dans la justice, dans l’amitié éternelle de l’Allemagne. Il suffit que ces puissances s’opposent à la guerre et menacent d’une action commune le perturbateur de la paix, il suffit qu’une seule de ces puissances fasse entendre sa voix pour que la guerre devienne impossible. Il y a à la tête de ces pays des politiques trop clairvoyans pour ignorer leur intérêt et leur force. Il ne leur échappe pas que tout pouvoir illimité devient dangereux pour lui-même et pour les autres, et que s’il reste en Europe encore assez de puissances pour défendre son indépendance, il n’y en a pas une de trop. Nous y garderons notre place, incapables d’exercer la domination, puissans encore pour défendre la liberté de tous. Nous avons besoin de l’Europe, elle n’a pas moins besoin de nous, car tout ce qui serait enlevé à la force de la France serait enlevé à l’équilibre du monde.