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Car l’océan sans borne est un grand cimetière
Où tu viens, tous les jours, penser à ton garçon !

Le vent grince en courbant les ajoncs de la dune.
Les courlis, dans les rocs, jettent des cris plaintifs,
La mer pleure, et l’on voit briller dans la nuit brune
Une ceinture blanche aux flancs noirs des récifs !
La besogne est finie et la vieille charrette
Gémit en s’enfonçant dans le sable mouillé !
Assis sur un brancard, le bonhomme fouette
En tenant un fanal que la pluie a rouillé...
Il siffle entre ses dents une vieille romance
Que la tempête enlève!.. — Et qu’elle portera
Au fils, qui, retrouvant un air de son enfance.
Reconnaîtra la voix du père et sourira !


BALLADE DE LA FILEUSE.

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Bonne femme, filez, filez la laine blanche !
C’est la saison des nids dans les bois parfumés.
Un rayon de soleil danse sur votre manche
Et baigne de clarté les tableaux enfumés...
Bonne femme, filez, filez la laine blanche!

Parmi les nénuphars dormant sur l’eau dormante,
Les papillons dorés et les papillons blancs
S’en vont en tournoyant... singulière tourmente
D’ailes qu’on croit des fleurs dans les roseaux tremblans,
Parmi les nénuphars dormant sur l’eau dormante!

Vous n’irez plus au bois récolter les morilles
Qui se cachent dans l’herbe à l’ombre des ormeaux ;
Bonne femme, laissez, laissez les jeunes filles
Cueillir les fruits à l’arbre en courbant les rameaux ;
Vous n’irez plus au bois récolter les morilles !

On dit que vous aviez de belles boucles blondes,
Que vous portiez gaîment, bras nus, les lourds paniers,
Et qu’un fichu croisé sur vos épaules rondes,
Vous dansiez tout un soir sous les hauts maronniers...
On dit que vous aviez de belles boucles blondes!