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et de Rousseau couverts de guirlandes, de verdures et de fleurs ; en face de l’escalier, une pyramide de 25 pieds de haut, flanquée de peupliers fraîchement coupés, et dont la base offrait une porte sépulcrale ornée de cariatides de marbre blanc; au fronton : Respect aux morts. La grande salle pouvait contenir trois mille personnes; ornée de tentures noires semées d’hermine et soutenues par des guirlandes, elle était éclairée par vingt lampes funéraires et un immense lustre tout décorés de fleurs et de branches de cyprès. Sur chaque colonne, un écusson portant le titre d’une des découvertes de Lavoisier. Au fond de la salle, où de chaque côté s’élevaient les tombeaux de Desault et de Vicq-d’Azyr, un immense rideau suspendu en forme de manteau ducal. Le concours des assistans était immense, les hommes vêtus de noir, les femmes en blanc, couronnées de roses.

Le programme de la cérémonie comprenait un discours de Mulot sur le Respect dû aux morts; l’éloge de Lavoisier par Fourcroy et des stances de Désaudray sur l’immortalité de l’âme ; enfin une sorte de cantate, un hiérodrame, paroles de Désaudray, dont la musique avait été composée par Langlé. Les principaux interprètes étaient les célèbres chanteurs Laïs et Chénard. Quand le rideau qui masquait le fond de la salle s’entr’ouvrit, les chanteurs et cent choristes apparurent groupés autour du tombeau de Lavoisier, que couronnait la statue de la Liberté, et quand, à la fin de la cantate, le chœur entonna ces quatre derniers vers :


Des utiles talens consacrons les bienfaits,
Ouvrons à Lavoisier les fastes de l’histoire;
Pour consacrer son génie à jamais
Qu’un monument s’élève à sa mémoire,


il apparut une pyramide décorée du buste de Lavoisier, dont la tête était ceinte de la couronne immortelle décernée du génie.

Mme Lavoisier, cependant, s’efforçait de rendre à son mari l’hommage le plus digne de lui, en publiant ses mémoires qu’il avait commencé à réunir pendant son emprisonnement; mais nous avons perdu le grand ouvrage d’économie politique qu’il avait projeté, et la science n’a pas connu ses recherches nouvelles sur l’analyse organique, sur la respiration, la nutrition, la chaleur animale, tout un monde de découvertes sur le point de jaillir de sa puissante intelligence.


ÉDOUARD GRIMAUX.