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« Le tribunal, après avoir entendu l’accusateur public sur l’application de la loi, condamne les susnommés à la peine de mort[1], conformément à l’article 4 de la première section du titre Ier de la cinquième partie du code pénal dont il a été fait lecture, lequel est ainsi conçu : Toute manœuvre, toutes intelligences avec les ennemis de la France tendant soit à faciliter leur entrée dans les dépendances de l’empire français, soit à leur livrer des villes, forteresses ports, vaisseaux, magasins ou arsenaux appartenant à la France, soit à leur fournir des secours en soldats, argent, vivres ou munitions, soit à favoriser d’une manière quelconque le progrès de leurs armes sur le territoire français ou contre les forces de terre ou de mer, soit à ébranler la fidélité des officiers, soldats ou des autres citoyens envers la nation française, seront punis de mort.

« Déclare les biens des condamnés acquis à la république ;

« Ordonne qu’à la diligence de l’accusateur public, le présent jugement sera exécuté dans les vingt-quatre heures. »

C’est au moyen de cet article de loi que le tribunal frappait ses victimes ; c’est lui qu’on avait invoqué pour conduire les dantonistes à l’échafaud.

L’arrêt étant prononcé, les condamnés furent ramenés à la Conciergerie; l’huissier Nappier signifia le jugement au concierge Richard et lui remit vingt-huit décharges individuelles, rédigées à la hâte et peut-être d’avance, et les vingt-huit condamnés furent abandonnés au bourreau. Les charrettes s’emplirent et s’acheminèrent vers la place de la Révolution ; à cette dernière heure, ceux que la mort allait frapper restèrent silencieux. Seul Papillon d’Anteroche,

  1. Les vingt-huit condamnés étaient : Delaage père, soixante-dix ans; Danger-Bagneux, cinquante-cinq ans; Paulze, soixante-quinze ans; A.-L. Lavoisier, cinquante ans (né le 26 août 1743, il avait cinquante ans, huit mois et treize jours); Puissant, soixante ans; de Saint-Amand, soixante-quatorze ans; de Montcloux, soixante-huit ans; de Saint-Cristau, quarante-quatre ans; de Boulogne, quarante-cinq ans; Lebas de Courmont, cinquante-deux ans; Parceval de Frileuse, trente-cinq ans; Papillon d’Auteroche, soixante-quatre ans ; Mauber de Neuilly, soixante-quatre ans ; Brac de la Perrière, soixante-huit ans; Rougeot, soixante-quinze ans; Vente, soixante-trois ans; Fabus de Vernant, quarante-sept ans; Deville, quarante-quatre ans; d’Epinay, cinquante-cinq ans; Prévost d’Arlincourt fils, cinquante ans; E.-M. de La Haye, trente-six ans; Ménage de Pressigny, soixante et un ans ; Saleur de Grisien, soixante-quatre ans; du Vaucel, quarante ans; Parceval, trente-six ans; Didelot, cinquante ans; Loiseau de Bérenger, soixante-deux ans. — La veuve de du Vaucel épousa George Cuvier. Le 24 floréal, trois anciens fermiers-généraux furent condamnés : Prévost d’Arlincourt père, soixante-seize ans ; Douet, soixante-treize ans, et Mercier, quatre-vingt-huit ans; le 22 floréal on avait condamné Saint-Germain de Villeplat, soixante-sept ans; puis le 12 prairial, Simonet de Coulmiers, quarante-deux ans; et le 4 thermidor, Laborde, soixante ans.