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Louvre et vint se constituer prisonnier. Le même jour que son beau-père Paulze, il fut enfermé à la prison de Port-Libre, et, sur le registre d’écrou, on lit cette mention :


« Du 8 frimaire,

« Lavoisier, cy-devant fermier-général. « Motifs : pour reddition de comptes.

« ORDRE DE POLICE[1]. »


IV.

L’ancien couvent de Port-Royal, situé rue de la Bourbe, et dont les bâtimens délabrés subsistent encore, avait été transformé, à la fin de 1793, en maison d’arrêt destinée à recevoir les suspects ; on lui donna d’abord le nom de maison de suspicion de la Bourbe, puis celui de Port-Libre, ci-devant Port-Royal[2].

Port-Libre n’avait nullement l’aspect sinistre d’une prison : pas de grilles, pas de verrous, seulement de simples loquets aux portes des cellules ; des gardiens à l’entrée des corridors et aux guichets extérieurs pour empêcher les évasions. Les hommes étaient logés dans le bâtiment du fond, ayant vue d’un côté sur le cloître, de l’autre sur les jardins, qui s’étendaient jusqu’à l’Observatoire ; le premier étage était réservé aux « citoyens riches. » Il y avait trente-deux

  1. Incarcérés le 4 frimaire, E.-M. Delahante, de Saint-Amant, Delaage père, Delaage de Bellefaye, Papillon d’Hauteroche, de l’Épinay, de Montcloux, Danger de Bagneux, Vente, Loiseau de Déranger, Saleur de Grisien. Delahaye, Verdun, Ménage de Pressigny, Couturier. Puissant. Duvaucel, Papillon de Sannois. — Le 5, Parceral-Frileuse. — Le 8, Deville, Lavoisier, Paulze, Didelot. Brac de Laperrière. — Le 10. Prérost d’Arlincourt fils. — Mercier. — Le 24, Tavernier de Boulogne. — Le Bas de Courmont, Rougeot, Parceral, Maubert de Neuilly, Fabus de Vernant, de Saint-Cristau et Sanlot. qui furent plus tard emprisonnés à l’Hôtel des fermes, ne figurent pas sur les registres d’écrou de la maison d’arrêt de Port-Royal. L’arbitraire et l’ignorance semblent avoir présidé à ces arrestations : on relâchait Papillon de Sannois comme adjoint, et on arrêtait les adjoints Delahante. de Bellefaye et Sanlot. Les ordres venaient tantôt de la commune de Paris, tantôt du comité de sûreté générale, qui décrétait d’arrestation Baudon, mort en 1779. — Rougeot était arrêté par le comité révolutionnaire de Fontainebleau plusieurs mois après ses collègues ; Laborde ne le fut qu’en thermidor. On incarcérait Lavalette avec le titre de fermier-général, et il n’avait jamais appartenu aux fermes. Quatorze autres fermiers-généraux ne furent jamais arrêtés, soit qu’on n’ait pas pensé à les poursuivre, soit qu’ils aient réussi à se soustraire aux recherches. (Archives de la préfecture de police.)
  2. C’est aujourd’hui l’hôpital de la Maternité ; j’ai pu y retrouver les cellules occupées par les fermiers-généraux et qui forment la salle Dubois, et la fenêtre de la chambre, aujourd’hui détruite, qu’habitait Lavoisier.