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décida que le lycée porterait le nom de Lycée républicain, et ne garda que vingt-sept de ses membres. Lavoisier ne trouva pas grâce devant le zèle des commissaires épurateurs et fut rayé des listes de la société. Quelques jours après, une dénonciation le signalait au comité révolutionnaire de la section du Contrat social comme entretenant des correspondances avec un émigré, Blizard, autrefois architecte du prince de Condé ; le comité reconnut que la dénonciation n’était pas fondée.

Enfin, le 24 novembre (4 frimaire an II), un membre de la Convention ayant apporté un projet de décret relatif aux comptes des compagnies de finances, Bourdon de l’Oise) s’écria : « Voilà la centième fois que l’on parle des comptes des fermiers-généraux. Je demande que ces sangsues publiques soient arrêtées, et que, si leurs comptes ne sont pas rendus dans un mois, la Convention les livre au glaive de la loi. » Aucun des membres du comité des finances ne se leva pour rappeler le décret promulgué deux mois auparavant, qui réglait les conditions de la liquidation et lui assignait pour dernière limite le 1er avril 1794. Personne ne fit remarquer à la Convention que, par un tel vote, elle paraissait se de juger et manquer à ses engagemens, ni combien il était injuste de mettre en état d’arrestation des citoyens contre lesquels on n’invoquait aucun délit contre-révolutionnaire. Il était du devoir de Dupin de protester, de faire remarquer que la liquidation des comptes serait entravée; il garda le silence : et la Convention décida que tous les anciens receveurs des finances, tous les fermiers-généraux qui avaient signé les baux de David, de Salzard et de Mager seraient mis en état d’arrestation.

Le jour même, les mandats d’amener étaient lancés par le département de la police et mis à exécution sans retard; ils ordonnaient aux détenus d’emporter avec eux les papiers nécessaires à la reddition de leurs comptes, recommandation impuissante : comment les financiers auraient-ils pu réunir, au moment de leur arrestation, la masse de papiers qui se trouvaient à l’Hôtel des fermes! Le jour même, dix-neuf fermiers-généraux et plusieurs receveurs des finances ou administrateurs des domaines étaient écroués à l’ancien couvent de Port-Royal, transformé en maison d’arrêt pour les suspects. Le mandat d’arrêt décerné contre Lavoisier fut confié à un inspecteur de police nommé Leroy ; l’administration ignorait même la véritable demeure du prévenu, car elle l’envoya chercher à l’Arsenal, qu’il n’habitait plus depuis quinze mois. A l’heure où Bourdon ! de l’Oise) faisait voter le décret d’arrestation, Lavoisier présidait le bureau de consultation. Quand il en fut informé, le soir même, il était de garde comme soldat de la milice parisienne,