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Clavières et Vernier ne pouvaient rien ; compromis avec les Girondins, ils étaient mis en état d’arrestation peu de jours après; Garat seul promit d’en informer le comité de salut public, en faisant remarquer que ses démarches seraient probablement inutiles. Malheureusement pour les fermiers-généraux, les mesures prises contre eux furent toujours le résultat des motions personnelles de députés, agissant en dehors du comité des finances, et qui firent voter des décisions souvent contradictoires : d’abord Montant, qui suspend inconsidérément le travail de la liquidation; plus tard, ce sera Bourdon (de l’Oise), qui obtiendra leur arrestation illégale, et enfin Dupin, qui les conduira au tribunal révolutionnaire.

Quelques mois après, un nouveau décret ordonna l’apposition des scellés sur les papiers particuliers des membres des diverses compagnies des finances. C’est alors que Lavoisier fit les premiers pas dans la voie douloureuse. Au moment même où le comité d’instruction publique lui confiait la mission d’organiser la nouvelle commission des poids et mesures, il voyait se présenter à son domicile du boulevard de la Madeleine deux délégués du comité révolutionnaire de la section des Piques, chargés de faire une perquisition dans ses papiers et d’apposer les scellés. Romme et Fourcroy étaient présens, envoyés par le comité d’instruction publique pour assister à la perquisition et mettre hors des scellés les objets relatifs aux poids et mesures dont Lavoisier était dépositaire. La perquisition dura deux jours, le mardi 10 septembre et le mercredi 11 ; Lavoisier protesta dignement ; il fit remarquer qu’il avait quitté la ferme générale longtemps avant sa suppression, qu’il avait refusé le remboursement total de ses fonds, en sorte que, depuis trois ans, il n’avait plus rien de commun avec son administration. Il avait rempli depuis la place de commissaire à la trésorerie nationale, dont il avait formé l’organisation actuelle, sans consentir à recevoir aucun émolument ; s’il s’était démis volontairement de cette place, c’était pour se livrer à l’étude des sciences, à des recherches relatives à l’utilité publique. Il ne se croyait pas dans la classe de ceux sur les papiers desquels la Convention avait ordonné l’apposition des scellés; néanmoins, il se soumettait à toutes les recherches qu’on pouvait désirer; même il les réclamait pour sa propre satisfaction.

Les commissaires, après avoir scrupuleusement examiné tous les papiers en langue française, déclarèrent n’avoir rien trouvé qui puisse donner aucun soupçon. Ayant découvert un paquet de lettres écrites en anglais, ils décidèrent de les renvoyer au comité de sûreté générale. Lavoisier, craignant sans doute qu’une main ennemie n’y glissât quelque pièce compromettante, demanda à joindre son cachet à celui de la section, de manière dit-il, qu’on ne puisse ouvrir le paquet renfermant la dite correspondance qu’au comité de