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plaça en achats de biens nationaux effectués par les soins de son cousin Parisis, de Villers-Cotterets, les fonds qui lui revenaient par la restitution de son cautionnement. Il garda ses fonctions de régisseur des poudres, accepta en avril 1791 le poste de commissaire de la trésorerie générale, et continua à déployer son activité dans les travaux du laboratoire, à la commission des poids et mesures, à l’Académie des sciences. Il paraissait à ce moment complètement détaché de cette compagnie de finances que l’assemblée nationale venait de dissoudre.

Aussitôt que le décret de l’assemblée eut été rendu, les commissaires liquidateurs se mirent à l’œuvre; mais, loin de pouvoir se consacrer exclusivement à leur travail, ils se trouvèrent obligés de poursuivre, au nom du gouvernement, la vente des sels et des tabacs que renfermaient les magasins, et de percevoir les droits de traites, de sorte que leur temps était tout entier absorbé par les affaires courantes. D’autre part, il leur fallait attendre que leurs agens eussent cessé de faire des recouvremens et transmis à la commission l’état de leurs caisses; aussi étaient-ils loin d’avoir terminé leur liquidation à la date du 1er janvier 1793, fixée par le décret de l’assemblée nationale. Heureusement, le ministre des contributions publiques, Clavières, comprit les raisons qui avaient empêché les liquidateurs de satisfaire aux ordres de l’assemblée. Il commença par les débarrasser de tout le travail étranger à la liquidation, et, dans un rapport présenté à la Convention, le 31 décembre 1792, rendit hommage à leur zèle et à leur loyauté.

La Convention, occupée du procès de Louis XVI, ne donna aucune suite au rapport de Clavières, mais les éloges du ministre des contributions publiques ne pouvaient dissiper les préventions; on supposait aux fermiers-généraux une fortune totale de 300 à 400 millions de livres, indûment acquise, et qu’en présence de la pénurie du trésor il paraissait urgent de faire rentrer dans les caisses de l’état. La vérité était loin de ce que croyait l’imagination populaire ; Mollien, attaché pendant plusieurs années au contrôle de la ferme, estime que la compagnie avait perdu 80 millions environ dans la banqueroute publique, et que les trente-deux fermiers-généraux détenus auraient pu à peine réunir une somme de 22 millions de livres, en faisant argent de leurs titres, de leurs maisons et de leurs terres.

Au sein de la Convention, il existait un parti nombreux, passionné, absolument convaincu qu’il était d’une stricte justice de faire rendre gorge aux gens de finance. Dès le 26 février 1793, Carra proposa de décréter la nomination d’une commission chargée de connaître les crimes, délits et abus commis dans les finances de l’état, de revoir tous les traités faits avec l’ancien gouvernement, de juger de la légitimité des bénéfices et d’ordonner la restitution dans le cas contraire.