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dans cette première sortie, il surprit les Gharaba dans la plaine du Sig et leur enleva des chevaux, des mulets et deux mille bœufs que les gens d’Oran accueillirent avec joie, car depuis quelque temps on y manquait de viande. Du 14 mars au 1er avril, la colonne mobile, habilement dirigée, fit une expédition dont les résultats furent les plus importans qu’on eût obtenus encore dans la province d’Oran, car elle amena, presque sans conflit, la soumission de la plaine et de la montagne au sud-est jusqu’aux abords de Mascara et, fait plus considérable encore, l’adhésion publique et l’assistance militaire de Sidi-el-Aridi, chef de la plus puissante et la plus riche des tribus qui occupaient la vallée du bas Chélif. Quand le général Perregaux parcourait le pays depuis l’Habra jusqu’à la Mina, quatre mille cavaliers des goums lui faisaient cortège et telle était sa popularité parmi les Arabes qu’Abd-el-Kader n’osa pas s’attaquer à lui. Leduc d’Orléans a rendu à la mémoire du général Perregaux ce noble témoignage : « Il réussit, parce qu’il sut employer avec énergie et talent la justice et la persévérance. Ce sont des armes dont on a rarement fait usage en Afrique ; elles exigent, pour être maniées avec succès, d’autres et de plus rares qualités que le courage et l’ambition. La colonne Perregaux était un modèle de bonne organisation : les transports étaient bien entendus, les marches bien réglées ; la nourriture du soldat avait été augmentée et adaptée au climat, par l’usage régulier du sucre, du café et un emploi plus fréquent du riz. En peu de jours et avec bien peu de moyens, le général Perregaux avait créé les élémens d’une puissance rivale de celle de l’émir ; ce n’est qu’après avoir terminé la conquête pacifique d’une contrée où il régnait par sa modération, par la discipline de ses troupes et par son intelligence des besoins du peuple arabe, qu’il rentra à Mostaganem. Son nom lui a survécu dans la province d’Oran comme en Égypte celui de Desaix. »

Dans la province d’Alger, il n’y avait pas lieu d’être aussi satisfait de l’état des affaires. Les Hadjoutes, cette hydre des marais du Mazafran, plus nombreux à mesure qu’on en tuait davantage, parce que de tous les coins de la montagne et de la plaine accouraient vers eux les belliqueux et les gens d’aventure, les Hadjoutes ne cessaient pour ainsi dire pas d’un jour leurs courses et leurs pilleries. Pendant la longue absence du maréchal Clauzel, le général Rapatel, commandant de la division d’Alger, avait envoyé contre eux à diverses reprises des expéditions qui sabraient ceux qu’elles pouvaient atteindre, brûlaient des gourbis, fouillaient le bois des Karésa, ramassaient du bétail qu’elles perdaient en grande partie au retour, parce que, mal guidées, égarées dans les broussailles, arrêtées par les marécages, elles piétinaient sans parvenir à retrouver le bon chemin. Ce fut le cas d’une colonne partie de Boularik, le 31 décembre