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au repos ; mais un vent brûlant s’élève, violent et sec comme le khamsin, que les Égyptiens redoutent tant; malgré la fatigue, il est impossible de s’endormir sous ce souffle ardent ; nous attendons comme une délivrance la fraîcheur du soir, bien qu’elle doive être le signal du départ pour une autre étape.

Nous avons encore une descente moins abrupte que celle d’hier et une série de défilés moins redoutés des muletiers, quoiqu’ils soient beaucoup plus sauvages. Le dernier, où l’on marche plus d’une heure, a une horreur grandiose. Le fond est large à peine de 20 mètres, et des deux côtés se dressent des murailles hautes d’au moins 50 mètres; des blocs, par endroits, surplombent d’une façon inquiétante. Le fond est semé d’éboulis entre lesquels filtre le sentier ; tout cela est fort imposant enveloppé du morne silence d’une nuit étouffante et sans brise. En sortant de là, nous débouchons dans une large plaine, un souffle frais arrive que nous aspirons avec volupté : c’est la brise de mer. Le soleil, en se levant, nous montre en effet au loin une petite ville aux maisons cubiques entre lesquelles s’élancent quelques palmiers, et, à l’horizon, une bande verte. C’est Bender-Dilem et le Golfe-Persique.

Le calcaire qui forme le sol de la plaine littorale est un dépôt marin récent. Le Golfe-Persique, à une époque peu éloignée de celle où nous vivons, recouvrait cette zone, et ses flots venaient battre le pied des derniers contreforts de la montagne, comme cela a lieu encore sur la côte Baloutche. Ses eaux se sont retirées peu à peu, abandonnant à l’homme des terres nouvelles à cultiver. Il est possible que ce mouvement de retrait continue encore de nos jours ; la côte est très basse, hérissée de hauts fonds. A Bender-Bouchir, les navires doivent toujours mouiller au moins à 3 milles au large. Des observations de plusieurs siècles sont nécessaires pour percevoir ces mouvemens du sol si lents, comme tous les phénomènes pour lesquels le temps ne compte pas. Peut-être cependant depuis la période historique, étant donné surtout que le terrain est prodigieusement plat, la mer a-t-elle abandonné de grands espaces, et ce qui reste des ports antiques du golfe est peut-être actuellement assez avant dans les terres.

Ce calcaire, peu compact, est une excellente terre à blé; quoique les ruisseaux soient très rares, le pays n’est point sec, le voisinage de la mer donne une nappe d’infiltration, et l’on trouve l’eau partout à moins de 1 mètre de profondeur. Aussi les villages, dont la position n’est déterminée par aucun autre accident de la terre, abondent-ils et sont éparpillés au hasard dans la plaine. Beaucoup ne sont que des amas de misérables cabanes en nattes supportées par des troncs de palmiers. Les dattiers, les mimosas, les mûriers, les figuiers surtout sont d’une belle venue; ils atteignent une taille